Supplice...

Chapitre 4

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Flashback : Jeudi, 09 mars 2023.

Douala, Cameroun.

                 ***Lynn Djandjo***

En entrant dans ce restaurant-lounge avec Guillaume, un frisson me traverse le dos. Je sens que cette soirée ne se passera pas aussi bien que je l'avais rêvée. Si j'avais su qu'il nous amènerait dans cet endroit, je l'aurais évité. Mais il ne m'a pas vraiment laissé le choix pour ce premier rencard.
Hier, nous avons beaucoup discuté au téléphone et on a tout de suite décidé de se revoir le lendemain. Il faut dire que le courant passe très bien entre nous. Un peu trop bien même, si bien que ça me fait peur. Par le passé, je n'ai pas eu de belles expériences avec les hommes. Du coup, je n'y mets plus le coeur depuis. Je les collectionne, j'ajoute les plus fortunés à ma liste comme Sandra le dit et en profite. Ce n'est pas comme s'ils s'intéressaient trop à moi. Une ou deux nuits ensemble et chacun reprend sa route. La plupart sont d'ailleurs mariés et veulent juste passer du bon temps. Et c'est pour ça que je suis là. C'est pour ça qu'on fait appel à moi. C'est ce que je fais pour gagner ma vie et résoudre mes problèmes. Mon fils ne le sait pas. Il sait juste que je suis cuisinière et serveuse la nuit. Il n'a pas besoin de savoir que sa mère est une prostituée. Il n'a pas besoin de le savoir. Ce métier de fille joie à mon âge, ne me réjouit guère, mais j'ai pris l'habitude d'accepter que j'en ai plus que besoin. Si je ne le faisais pas, c'est sûr qu'on serait à la rue maintenant. Et c'est ce que je me bats à éviter. Je ne veux plus que mon fils revive ce traumatisme qu'est le fait de dormir dans la rue, devant les boutiques. Non. Cela ne nous arrivera plus. Pas tant que je continue sur cette lancée. Tout ce qui m'intéresse maintenant, c'est comment payer mes factures et subvenir à mes besoins. Et c'est à cela que me servent les hommes, même si en échange ils profitent de mon corps.

J'ai honte en venant ici. Cet endroit me rappelle trop que je suis impure, une femme sans dignité, que je ne mérite pas la compassion et l'attention de qui que ce soit, encore moins de cet homme qui semble ne vouloir que du sérieux. Mais moi, l'époque où je rêvais de l'amour est révolue. De base en le regardant depuis la table du restaurant, je voyais en lui un autre guichet automatique, mais je me rends compte qu'il me plaît bien au-delà. La façon dont il me parle, la façon dont il se comporte avec moi, dont il me regarde, me montre qu'il est vraiment intéressé. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que je ne suis pas la bonne personne. Et cet endroit me le rappelle encore plus.
Je regarde autour de moi, toute gênée. Je reconnais quelques jeunes filles qui discutent avec des hommes, pour la plupart d'âge mûr. Ce sont presque toutes des prostituées. Des petites filles naïves qui ont gâché leur vie un peu comme moi.
Je reconnais également presque tout le personnel de l'établissement. Certains me lancent même des regards complices, notamment le barman qui est une sorte de manager pour moi. C'est lui qui me propose souvent des clients fortunés et la plupart du temps c'est ici qu'on se rencontre. En échange il a sa commission. Alors ils doivent certainement se dire que Guillaume en est aussi un. Je travaillais également ici en tant que serveuse avant que l'ancien patron ne me vire. À l'arrivée du nouveau, il n'y avait plus de place pour moi. Alors ce lounge est devenu mon agence de placement.
Mais je ne suis pas du tout à l'aise de venir ici avec Guillaume, je ne sais pourquoi.

— Lynn, ça va ?

Brusquement tirée de mes pensées, je retourne la tête vers mon compagnon de ce soir. Il a l'air inquiet. Je lui souris légèrement pour le rassurer.

— Oui, tout va bien.

— Je te trouve un peu distraite. Tu n'aimes pas l'endroit ?

— Non, t'inquiète pas, je mens en passant la main sur la sienne. Tu viens souvent ici ?