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Lundi, 10 avril 2023.
Douala, Cameroun.
*** Flore Monthé ***
La honte est un si petit mot pour décrire ce que j'ai ressenti en écoutant ma sœur me raconter son histoire. J'ai mal, très mal. J'ai honte. Honte de savoir qu'elle a été abandonnée à elle-même alors qu'elle avait une famille... honte de ne pas lui avoir apporté tout le soutien dont elle avait besoin à un si jeune âge. Mon cœur se serre de plus belle lorsque je me rappelle que tout est de ma faute. Oui, je suis là principale responsable de tout ça... la seule fautive.
Si je ne l'avais pas entraîné dans ma débauche, jamais elle n'aurait eu autant de problèmes. Elle serait restée cette petite adolescente intelligente, respectueuse, innocente et inconsciente de sa beauté et de son charme. Elle serait restée la fierté de son père, de sa famille. Il a malheureusement fallu que je débarque dans sa vie et que je détruise toute une famille, que je gâche sa vie...
Malgré toute la confiance qu'elle avait placée en moi, j'ai été lâche. J'aurais pu la défendre, la suivre, la soutenir, mais j'ai préféré me terrer dans mon coin pour éviter de subir la même bastonnade et les mêmes humiliations qu'elle. J'ai préféré sauver ma peau. J'ai été lâche. Lâche, comme toujours... comme pour mes multiples avortements. Je suis certainement le pire modèle qu'il soit, la pire grande sœur au monde.En regardant mon petit ange qui s'endort dans son berceau, je me demande si mes enfants n'hériteront pas de mes gènes lâches, s'ils ne seront pas un peu comme moi il y a vingt ans. Heureusement, Roger est un homme droit et formidable et j'aimerais qu'ils soient comme lui, qu'ils ressemblent à leur père, car moi... je n'ai rien de bon à offrir.
Dès que Jaurès s'endort complètement, je me lève en silence, retenant mes larmes et quitte la chambre. Je ferme la porte et m'adosse, la main sur ma bouche, comme pour essayer de retenir le cri de douleur qui me consume intérieurement. J'essaie, mais je n'arrive pas à retenir mes larmes. J'éclate en sanglots. Mes forces me quittent alors mes jambes chancellent et mon dos glisse contre la porte jusqu'à ce que je me retrouve assise au sol. Je pleure de honte, de douleur, de culpabilité, de remords, de compassion... J'ai mal, très mal. Je croyais que c'était passé, que ce ne serait plus aussi douloureux. Le plus difficile n'a pas été de perdre ma sœur ou de savoir qu'elle a été humiliée à cause de moi, non... le pire dans tout ça c'est de la retrouver... de retrouver une femme brisée, éprouvée par la vie à un si jeune âge, à cause de moi. Le pire c'est de voir en face de moi, ma cousine autrefois innocente et aimable devenue amère et pleine de rancune, tout cela avec raison. C'est de ma faute si elle est comme ça. Elle a tout à fait raison de me détester.
J'en viens même à vouloir me détester à nouveau comme je le faisais autrefois, mais je me rappelle qu'à ce moment-là j'étais seule. Je n'avais personne. Maintenant ce n'est plus le cas, j'ai su remonter la pente parce qu'ils étaient là et qu'ils le sont toujours : mon mari, mes enfants et Lui. Dieu. J'aimerais donc que ma petite sœur remonte également la pente et Le trouve aussi. C'est ainsi que je formule la courte prière que je fais à Mon Père afin de retrouver le courage dont il m'a dotée pour faire face à tout cela.
Je me lève, essuie mes larmes et avance d'un pas plus sûr jusqu'aux escaliers que je descends deux par deux en espérant qu'elle soit toujours là.
Ne la trouvant pas au salon, je me précipite vers la sortie et freine aussitôt lorsque je la trouve assise à la véranda, adossée sur le poteau, le dos tourné vers le salon. Je ralentis et l'observe pendant un moment. De temps en temps ses épaules tressautent et je l'entends sangloter tout bas. Mon cœur se serre de plus belle. J'avance lentement et silencieusement et m'assois près d'elle, entourant ses épaules de mon bras gauche. Elle sursaute, me regarde et détourne la tête, s'arrangeant pour se libérer de mon étreinte. Je n'insiste pas, mais reste près d'elle et la retiens au moment où elle décide de se lever. Elle me fixe d'un air surpris, mais ne dit rien. Pendant encore une minute, je soutiens son regard en silence, cherchant cette lueur au fond de ses yeux qui me dirait quoi dire ou quels mots prononcer pour apaiser son cœur.

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Supplice...
General FictionJ'ai peut-être perdu ma dignité, mais si cela me vaut le bonheur de mon fils, je ne regrette rien... Ryan est ce que j'ai de plus cher au monde, mais en me regardant dans la glace je ne cesse de m'interroger : Réussira-t-il à me pardonner quand il s...