Chapitre 18

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18🌺

Jeudi, 6 avril 2023.

Douala, Cameroun.

*** Darelle Monthé ***


Merde. Merde. Merde.

Les yeux rouges d'inquiétude, je fixe les carreaux blancs de l'hôpital de district de la Cité des Palmiers, essayant de me calmer, en vain.
Assise sur l'un des bancs qui jonchent les couloirs de l'Hôpital, je garde la tête entre les mains, priant encore et encore pour que tout se passe bien. Sheila est près de moi, la main sur mon épaule, essayant de me rassurer, tandis que Jordan et Cabrel sont adossés au mur, un mètre plus loin.
Devant eux, je fais mine de ne pas être inquiète, d'être sereine, mais au fond j'ai peur. J'ai très peur de ce qui pourrait arriver. Jamais de ma vie, je n'avais assisté à un accident ; jamais je n'avais vu quelqu'un se faire renverser aussi brutalement et rapidement ; jamais je n'avais vu autant de sang sur la route d'aussi près ; jamais je ne m'étais autant sentie concernée par un accident de circulation ; jamais je n'en avais été coupable. Oui, je me sens responsable de cet accident. C'est de ma faute s'il a traversé aussi vite la route, sans faire attention. C'est moi qu'il allait voir et personne d'autre. C'est avec moi qu'il avait rendez-vous. Je suis fautive, s'il est à présent allongé dans un lit d'hôpital, luttant pour sa vie.
Ryan ne mérite pas ça. Personne ne mérite de mourir dans un accident de circulation. Voir cette marre de sang sur le bitume m'a quasiment traumatisée. Le voir allongé là, inconscient et blessé... c'est juste effrayant. Cette image repasse encore et encore dans ma tête, alors que je me demande s'il s'en sortira. Il a perdu énormément de sang, malgré la petite distance qui sépare le lycée de l'hôpital.

— Au fait, est-ce que sa mère a déjà été prévenue ? Demande Sheila, me ramenant ainsi à la réalité.

— Oui, répond calmement Jordan. Je l'ai appelée directement quand on est arrivés. Elle ne doit plus être loin.

— D'accord.

En entendant mon cousin parler d'appel, un tic se fait automatiquement dans ma tête alors que je la lève enfin vers les autres, qui évidemment ont aussi l'air inquiets. De mon côté, c'est ma mère qui va être inquiète si je reste longtemps ici sans la prévenir. Je n'aimerais pas me faire réprimander alors que je suis encore si troublée par ce fâcheux événement.

— Jordy, appelé-je d'une petite voix, s'il te plaît, tu as encore un peu de crédit ? Je veux appeler la mater pour lui dire que je suis ici.

Il acquiesce de la tête, sort son téléphone de sa poche et s'arrête, hésitant, les sourcils froncés.

— Regarde, c'est mieux que tu rentres une fois. Il va bientôt faire nuit. Rentrez Sheila et toi, nous conseille-t-il. Nous on va rester. S'il y a du nouveau, on vous tiendra au courant.

— Mais non, je veux...

— Non Darelle, écoute ce que je te dis. Rentre à la maison. Tu as cours demain, non ? Après ça tu pourras passer. Je suis sûr que tout ira bien.

— Que Dieu t'entende, dit Sheila en se levant.

Je fais de même, car n'ayant pas d'énergie pour une quelconque discussion. Je ne manque pas d'insister auprès des garçons, pour être informée de tout. Lasse, épuisée et toujours inquiète, je quitte mon frère et mon cavalier en compagnie de mon amie. Nous marchons lentement et lourdement le long des couloirs de l'hôpital. Ma mine triste doit certainement faire pitié à voir. Mais importe.
Alors que nous atteignons la porte de sortie, je remarque un visage qui m'est familier. Après réflexion, je réussis à reconnaître la femme que j'avais aperçue devant notre portail hier. Je l'avais trouvée tellement étrange et familière à la fois, que je n'ai pas pu oublier son visage qui maintenant a l'air déformé par l'inquiétude et la peur. Accompagnée d'une autre femme, coiffée de vielles nattes et vêtue d'un simple Kaba, des sandales au pieds, elle se presse pour entrer. À en juger la panique qui se lit sur son visage pâle, elle vient voir un proche, certainement hospitalisé. Si je n'étais pas moi aussi inquiète et pressée, je serais peut-être allée vers elle. Elle m'intrigue, je ne sais pourquoi.

Supplice...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant