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Vendredi, 10 mars 2023.
Douala, Cameroun.
***Ryan Djandjo***
— Djandjo, viens ici.
Je fais mine de ne rien entendre et continue mon chemin en essayant au mieux de me cacher entre les multiples élèves qui traversent le portail du Lycée Technique de Douala-Bassa ce matin. Mais c'est peine perdue. M. Ipupa, notre surveillant général, arrive à mettre la main sur mon sac pour m'empêcher d'avancer. Je soupire et m'arrête.
Je me tourne vers lui en souriant, mais sachant que je l'agace déjà, je risque de me prendre une claque. Quand bien même ce ne serait pas la première.
Il faut dire que ce n'est pas l'amour fou entre nous deux. Je ne suis dans ce lycée que depuis trois ans, mais il ne m'a fallu que trois mois pour m'attirer les foudres de cet homme. Entre les punitions injustifiées, les piques à tout va et le harcèlement constant, je n'ai pas vraiment le temps de comprendre ce qu'il a contre moi. J'ai beau essayer, je n'y arrive pas. Alors je me contente de subir en essayant au mieux de le contrarier le moins possible, de l'éviter.
Je n'aimerais pas me créer plus de problèmes que j'en ai déjà à cause des multiples bagarres auxquelles je suis mêlé. Chose qui ne facilite pas mes rapports avec notre surveillant général. Cet homme qui semble pourtant calme et affectif en apparence, peut rapidement devenir le pire ennemi des élèves. Il sait nous rendre la vie impossible et sa bonne humeur journalière est aussi courte que sa taille. D'ailleurs seuls quelques uns de ses collègues et des délinquants du lycée y ont droit. C'est à se demander s'il est toujours aussi aigri en dehors de cet établissement.Alors que je l'interroge, M. Ipupa me traîne jusqu'à l'entrée et me demande de retirer mon sac à dos.
— Mais monsieur, qu'est-ce que j'ai encore fait ?
— Retire ton sac, répète-t-il. Ne me perds pas le temps.
Le visage serré, il m'arrache brutalement mon sac des mains et le jette sur ceux des autres élèves non conformes, qui forment déjà un assez gros tas. Il passe un regard inspecteur et méprisant sur moi, de la tête aux pieds. C'est sans grande surprise que je le vois se pencher vers l'un de ses collègues pour récupérer sa paire de ciseaux. Exaspéré, je secoue la tête et essaie de le raisonner, même en sachant que c'est perdu d'avance.
— Monsieur, aujourd'hui c'est vendredi. Et mes cheveux ne sont même pas longs. D'ici lundi je les aurai déjà rasés.
Comme je m'y attendais, mes explications n'ont pour seul effet que de l'agacer. Il penche brutalement ma tête vers lui et ajuste dans sa main droite cet instrument peu apprécié des garçons du lycée. Lorsque j'entends le premier coup de ciseaux passer sur mes cheveux, je commence à regretter le temps que ma mère a perdu ce matin à essayer de les brosser contre mon gré. J'aurais mieux fait de les laisser comme d'habitude. De cette façon au moins, il aurait eu raison de les tailler.
Dès qu'il finit sa besogne, je lève la tête et le fusille du regard. Mais bon, s'il perdait un cheveu à chaque fois qu'un élève le faisait, c'est sûr qu'il n'en aurait plus aucun, quoique sa calvitie précoce en a déjà rasé une bonne partie.
— Maintenant tu vas ramasser les papiers avec les autres.
Cette fois-ci, je ne dis rien. Je me tourne et me dirige vers les bâtiments où des ordures jonchent le sol. Mais alors que je m'éloigne de lui, M. Ipupa n'oublie pas de rajouter :
— Et je ne veux plus voir ce pantalon lundi. Enfile bien ta chemise pour commencer.
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Supplice...
Ficción GeneralJ'ai peut-être perdu ma dignité, mais si cela me vaut le bonheur de mon fils, je ne regrette rien... Ryan est ce que j'ai de plus cher au monde, mais en me regardant dans la glace je ne cesse de m'interroger : Réussira-t-il à me pardonner quand il s...