Chapitre 5

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Samedi, 11 mars 2023.

Douala, Cameroun.

               ***Ryan Djandjo***

Ce matin, je suis très pressé. Pourtant je prends encore la peine de frapper à la porte de la chambre de ma mère pendant plus de cinq minutes, attendant une réponse qui ne vient pas. Ce silence m'inquiète plus que tout autre chose. Et il ne date pas d'aujourd'hui.
En effet, après le coup de fil qu'elle a reçu dans l'après-midi, c'est à peine si je l'ai entendue parler. Elle est devenue pâle et triste, un peu plus qu'elle ne l'était déjà hier matin. Ma mère s'est enfermée dans sa chambre avant le départ de mes amis hier et n'en est sortie que lorsqu'elle allait dans la salle de bains. Ce n'est qu'à ce moment que j'ai pu constater la pâleur de son visage et son regard lourd, comme si elle venait de se réveiller d'un long sommeil. Je n'ai pas pu lui parler depuis lors et cela m'arrangeait un tant soit peu car je n'ai pas eu à m'expliquer pour ma fugue du lycée d'hier, mais aujourd'hui ça m'inquiète. Je n'aime pas la voir dans cet état.
Et le pire c'est que ce n'est pas la première fois. Ça lui arrive souvent d'être aussi morne, absente et négligée, sans aucune explication. Je hais ces périodes-là, car je ne reconnais plus ma mère. Elle déprime toute la journée, s'énerve pour un rien et parfois même, je l'ai entendue pleurer. Plus d'une fois. Mais je n'ai jamais pu trouver une explication à ce comportement qui survient une fois sur quatre. Et ça, ce n'est que ce que je constate quand je suis avec elle. Je n'ose pas imaginer à quel point elle se lâche en mon absence. Car ça se voit tellement qu'elle se retient quand je suis là pour éviter de m'inquiéter ou alors pour esquiver les milles et unes questions que je lui pose et auxquelles elle n'a jamais répondu clairement. Elle trouve toujours une excuse, un prétexte ou contourne la question. Au final, j'ai compris que mes interrogations l'embêtent et la gênent. C'est pourquoi j'essaie d'être le moins curieux possible et le plus attentionné et obéissant qu'il soit, dans ces moments-là.
Je pense qu'à une certaine période de notre vie, il nous arrive tous d'être dépressif, parfois sans même en connaître la véritable raison, mais tout ce qu'on souhaite durant cette période difficile c'est la paix et un peu de réconfort et non une ribambelle d'interrogatoires et de reproches. Du coup, même si je sais que pour ma mère, il s'agit d'un problème particulier qui la torture, je n'essaie plus de la comprendre, et j'évite tout simplement de l'irriter. Quand elle le jugera nécessaire, elle m'en parlera.

Cependant, j'ai besoin de la voir ce matin, avant d'aller travailler. Je veux me rassurer qu'elle va bien ; du moi s physiquement, car moralement, je me doute bien qu'elle souffre. C'est pour en avoir le coeur net que je frappe une énième fois.
Au bout de quelques secondes, la porte s'ouvre sur une Lynn aux cheveux ébouriffés et à la mine effrayante. Malgré son sourire, qui se veut rassurant, les cernes sous ses yeux ne passent pas inaperçus aux miens. Elle porte encore ses vêtements de la veille et ils sont atrocement froissés. Elle se frotte les yeux et baille.

— Bonjour chéri, me dit-elle en souriant. Tu as bien dormi ?

— Bien mieux que toi en tout cas. Tu vas bien ?

— Oui. Et toi ?

— Ça va, je réponds, un peu sceptique. Je suis en train d'aller au stage.

— Ah d'accord. Tu as déjà ton transport, non ? Me demande-t-elle en s'étirant.

— Oui.

Je la regarde en silence pendant quelques secondes. Elle plisse les yeux, attendant que je parte, mais je ne bouge pas à l'instant.

— Ma'a, tu es sûre que ça va ? Je l'interroge, lorsqu'elle s'apprête à parler.

Elle me regarde avec incompréhension, mais finit par répondre, comme pour se débarrasser de moi:

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