Les lettres

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« C'est mon tout premier jour sur Kior. Je me sens vide. Je suis arrivée tôt dans la matinée et je me suis rendue aussitôt aux palais pour retrouver Ki et Kai. Je leur ai expliquer. Pour le voyage, pour Kaliora, pour Lüka... Nous avons pleuré toutes les trois.

Lorsque j'ai voulu retourner sur Terre, retrouver ma famille et peut-être, le pensionnat, il n'y avait plus rien. Ce n'était pas un trou béant dans l'espace, mais il ne restait plus que quelques fragments de la Terre. Lorsque j'ai fais mon vœu, j'ai senti cette étrange sensation. Je ne sais pas si ça a un lien... J'espère au moins avoir pu sauver la mère de Lüka.

Je sais que nous n'avions plus rien en commun, que le pensionnat m'a métamorphosé et que ma famille a évolué sans moi, mais si j'avais su... Si j'avais su que les choses se passeraient comme ça, j'aurais au moins aimé pouvoir leur dire au revoir. Peut-être même que je n'aurais pas fait ce vœu... Je ne pense pas... Je n'en sais rien, tout est si compliqué...

Je vais passer quelques jours dans le palais de Kai, le temps de me remettre de mes émotions et qu'elles aient le temps de me trouver un logement. Je ne sais pas combien de temps je vais rester ici. Est-ce qu'on peut vraiment se remettre de ce genre de chose ?

Je me sens si seule et si perdue... »


« Jour 17 sur Kior. Ki est venu me parler d'un ami de sa famille vivant dans sa contrée. Un entraineur de rawmis qui souhaiterait prendre sa retraite. Il travaille pour la famille royale depuis des années et serait d'accord pour m'apprendre le métier et me loger dans son ranch le temps que son petit-fils reprenne l'affaire, il est trop jeune pour le moment. Ce sont, si j'ai bien compris, les montures de la garde royale de Kior. Je ne sais pas si j'en suis capable. Mais d'après Ki et Kai, il serait bien que je m'occupe l'esprit. Je pense aussi qu'elles ne peuvent plus se permettre de m'héberger. Kai a d'importantes choses à régler dans son hémisphère et Ki disparait de plus en plus pour fuir son mariage non désiré et rejoindre sa petite amie de longue date.

Je pense ne pas avoir d'autres choix qu'accepter. Pour elles comme pour moi. On verra bien ce que ça donne. »


« Jour 33. Mon cœur me fait tellement mal. En fait, je ne sais pas où je n'ai pas mal. Mes jambes, mon dos, mes mains... Le travail au ranch est épuisant. Heureusement que Kenny est un gentil vieux monsieur, il est très pédagogue et il a l'air heureux de m'apprendre son métier qu'il aime tant. Je pense que dans le fond, quitter ses rawmis est un crève-cœur et qu'il repousse au maximum sa retraite. Chaque jour j'apprends un peu plus à dompter ces bêtes dociles et à les dresser pour devenir exemplaires. J'ai même pu en monter.

Quant à Kurt, le livreur, c'est quelqu'un de sympathique, mais il passe plus de temps au ranch qu'il ne devrait. J'ai l'impression qu'il me tourne autour, je n'aime pas ça. »


« Jour 102. Encore un jour où je pleure. Je suis fatiguée.

Je n'arrête pas de me dire que s'il n'avait pas croisé mon chemin, il serait toujours en vie. Si je n'avais pas été aussi bête pour faire confiance à Evrett, jamais il ne se serait passé ce qu'on a vécu sur Kaliora. Si je n'avais pas été là, il serait rentré et il aurait retrouvé sa mère guérie, et peut-être même que son père serait rentré. Il aurait pu vivre une vie heureuse si je ne lui avais pas demandé de m'emmener avec lui. Je ne suis qu'une égoïste. Je suis un monstre.

J'ai l'impression d'avoir pendant longtemps eu la sensation que tout ça n'avait rien de réel, que ce n'était qu'un mauvais rêve. Mais j'ai l'impression de me réveiller et de me prendre une claque en pleine figure. Je me déteste. Et il me manque. Et même si mon cerveau essaye de me prouver le contraire, je sais que je suis sur Kior et que tout est réel. Il est mort et ma famille est morte et la Terre est morte. A cause de qui ? A cause de moi ! Je ne suis qu'un monstre de stupidité et de cruauté. »


« Chaque jour de ma vie je pense à lui. Pas une seconde ne passe sans que le poids sur mon cœur ne m'oppresse un peu plus. Un immense voyage spatial et 457 jours se sont écoulés depuis. 457 jours que j'implore ta clémence et ta puissance, Kaliora. Il me manque un peu plus chaque jour. Vivre avec sa mort sur la conscience devient trop dur. Kaliora, si tu le peux, rends-le-moi, je n'en peux plus. Et si tu ne peux pas, je le rejoindrais moi-même. »


Kaliora, la dernière terrienne, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant