Chapitre 19

5 1 11
                                    

Il faisait nuit noire quand Lüka se réveilla de sa sieste. Il avait dormi bien plus que ce qu'il aurait voulu et Lupus devait dormir dehors puisqu'il n'était pas avec lui. Il prit le temps de s'étirer et d'enfiler des vêtements secs. Il mourrait de faim.

L'aventurier fouilla dans les sacs qui étaient à ses pieds et en sortit une bouteille d'eau, des fruits, des œufs et des céréales. La toile de la tente était humide. Il saisit le poêlon par le manche et le tira dehors pour faire cuire sa galette. Une fois à l'extérieur, il contracta sa paume de main au-dessus du feu le plus proche pour raviver la flamme qui animait le foyer et y plongea une petite bûche moite. Aucune trace de Lupus et du prophète pour l'instant. Peut-être avaient-ils recommencé un rituel pendant qu'il dormait ? Il tendit une oreille vers la toile de tente de Lyuri, mais n'entendit rien.

Lüka posa le poêlon directement sur les flammes ; elles n'étaient pas très puissantes. Il y déversa des céréales, ajouta quelques millilitres d'eau et cassa deux œufs qu'il vida à l'intérieur. Il remua la poêle pour mélanger les ingrédient, ayant oublié de prendre la cuillère en bois et n'ayant pas envie de faire brûler son repas alors qu'il savait déjà que le goût ne serait pas incroyable. Il finit par poser le poêlon dans l'herbe le temps d'aller la chercher en constatant que les jaunes bleus ne se dissolvaient pas. Lorsqu'il revint, Lupus et le prophète sortaient de la forêt.

Leurs regards se croisèrent. Le prophète, minuscule à côté des deux hommes, fit jongler ses yeux entre eux. Puis, sans un mot, il se rendit jusque dans la toile de tente avec une démarche de pingouin à cause de ses petites jambes.

Lüka fut incapable de prononcer un mot. Il retourna s'assoir près du feu et continua de se préparer à manger dans le silence. Son estomac se nouait et sa faim s'estompait. Tout d'un coup, toutes ses questions s'envolèrent et son esprit fut incapable de penser. Il n'avait pas l'habitude de se sentir comme ça et rares étaient les situations où l'angoisse pointait le bout de son nez. Mais il appréhendait la discussion, ayant peur de voir son passé changer à tout jamais et sa vision des choses complètement modifier.

Alors qu'il écrasait les jaunes des œufs pour les mélanger à sa galette et la remettre sur le feu, Lupus s'approcha et s'assit à côté de lui. Il souffla en s'installant comme si le fait de se pencher lui demandait un grand effort. Sa jambe était entourée d'un bandage qu'il avait déjà réussi à salir en crapahutant dans la forêt.

— Elles t'ont pas loupé, finit par dire Lüka pour ne plus se sentir oppressé par le silence.

— Ouais... Mais elles ne reviendront plus. Celle qui est tombée dans le puits y est restée et je suis allé rendre la deuxième à la nature avec le prophète.

Tuer ou être tué. Lupus n'utilisait jamais son épée dans ce but, mais lorsqu'il n'avait plus le choix, il savait où viser pour se débarrasser rapidement de son adversaire. Il avait choisi de sauver sa peau, celle de Lüka, Lyuri et du prophète. Alors Edewus et lui étaient allés enterrer son corps dans la forêt pour qu'elle renaisse un jour sous la forme d'un arbre ou d'une fleur.

Lüka retira le poêlon du feu lorsque la galette fut cuite. Il la découpa en quatre morceaux en passant par le centre avec le bout de la cuillère en bois. Il avala quelques fruits le temps qu'elle refroidisse.

Il se maudissait intérieurement d'être incapable de faire quoi que ce soit. Il n'arrivait pas à entamer la discussion, ni à partir, ni à bouger tout simplement. C'était comme si son corps s'était figé, focalisant uniquement sur son besoin irrépressible de dévorer un par un les fruits de la grappe pour ne pas laisser s'enfuir un rire nerveux. Un frisson glacial courut sur sa colonne vertébrale quand Lupus commença à parler.

— Ça fait longtemps que vous vous connaissez Lyuri et toi ?

— Plus d'un an, peut-être deux, je ne saurais pas vraiment dire...

Kaliora, la dernière terrienne, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant