Kaliora, la dernière terrienne, Tome 2

Chapitre 5

La nuit porte conseil, disait-on. Lüka était de retour dans la couchette de fortune qui était humide à cause de la pluie de la soirée. Lyuri était allongée sur le dos et fixait le plafond. Dans quel genre de bourbier s'était-elle encore enfoncée ? Faire revenir la Terre... C'était de la science-fiction ! Comment pourrait ils faire ça ? Et cet ami... De quel genre d'ami pouvait il s'agir pour avoir des pouvoirs aussi grands que de faire revenir une planète à la vie ? Tout ça lui semblait si fou, si irréel...

Son cœur et sa tête la faisaient souffrir tant le problème était gros. Elle se tourna vers Lüka pour espérer avoir un peu de réconfort s'il ne dormait pas. Elle le vit se débattre avec sa couette pour essayer de lutter contre la pluie qui traversait le toit. Elle se décala le plus possible vers le mur – le matelas n'était pas très large.

— Lüka, tu veux venir ?

Il s'arrêta, surpris.

— Ça va aller, je veux pas t'embêter.

Lyuri leva la couette du côté où elle n'était plus couchée. Lüka se leva timidement, glissa ses pieds sur le plancher grinçant et vint s'asseoir à côté de Lyuri. A peine eut-il le temps de glisser ses jambes sous la couette que les pieds gelés de Lyuri effleurèrent son mollet. Il partit chercher une des couvertures qui était encore sèche sur la paillasse et l'installa par-dessus le lit. Il s'allongea à côté d'elle.

— Tu n'arrives pas à dormir toi non plus ?

— Non... Je ne m'attendais pas à la proposition de ton père. Je veux dire... Je crois que je m'étais faite à l'idée de ne plus jamais revoir ma planète natale ni ma famille. J'ai toujours mal quand j'y pense, mais je l'ai accepté... J'ai l'impression d'avoir presque fait mon deuil après tout ce temps. Mais là, savoir que du jour au lendemain, je pourrais recréer ce qui a été détruit, ça me rend folle. Comment je pourrais faire ça sans Kaliora ? Et est-ce que ça ne nous mettrait pas en danger d'aller à l'encontre de la décision d'Elest ? J'ai l'impression que le dilemme qu'on me pose est d'ampleur cosmique, alors que je ne suis qu'une petite terrienne de rien du tout...

Lüka était incapable de lui répondre quoi que ce soit. Ses doutes et ses peurs la rongeaient et s'il avait pu rentrer dans sa tête pour les lui retirer, il l'aurait fait, mais il en était incapable.

— Je connais quelque chose de plutôt efficace qui pourra peut-être t'aider, au moins pour pouvoir dormir sereinement ce soir.

Lyuri leva ses petits yeux fatigués vers lui. Lüka écarta les bras et attendit qu'elle se rapproche un peu plus pour l'enlacer. Elle motta son visage contre son torse et respira lentement pour essayer de se calmer. Lüka enroula un bras autour de sa taille et le second vint longer ses longs cheveux. Son cœur battait fort contre la joue de Lyuri. Il sentait un mélange des fleurs sauvages parmi lesquelles ils avaient marché dans la journée et de la fumée qui s'échappait parfois de la cheminée à l'étage du dessous. Ils restèrent quelques minutes, pressés l'un contre l'autre, à profiter de leur étreinte chaleureuse.

— Tu te sens mieux ? demanda finalement Lüka.

Lyuri hocha la tête.

— Essaye de dormir un peu alors, je vais aller éteindre la bougie.

Il se leva doucement et Lyuri se retourna vers le mur, somnolente. La flamme s'éteignit au contact de son souffle et une légère fumée bleutée s'envola dans l'air. Lüka se glissa de nouveau sous les couvertures.

— Bonne nuit, Lyu'.

Elle lui répondit en marmonnant quelques mots à peine audibles qui s'évanouirent dans le silence de la nuit. Lüka s'allongea sur le côté en fermant les yeux. Le matelas était si étroit que leurs dos étaient collés, ou peut-être était-ce parce que Lyuri s'était endormie en plein milieu. Il s'endormit à son tour.