Quatre longues journées de marche s'étaient écoulées depuis la petite fête organisée par les myconides. Lyuri perdait espoir. A chaque fois qu'elle avait cru voir un paysage différent, il ne s'agissait que d'une illusion de la forêt sans fin qui recouvrait cette planète. Jamais le puits ne daignait montrer le bout de son nez. Elle n'en pouvait plus, elle était à bout de force. La pluie et l'humidité rendaient l'air irrespirable et le rythme de marche des myconides devenait insoutenable, mais elle ne pouvait pas prendre le temps de faire une pause sous peine d'être abandonnée par le groupe. Et si cela arrivait, elle n'était pas sûre d'arriver à destination mais certaine d'être dévorée par les monstres que son petit groupe avait déjà affronté et qu'elle voyait de temps à autre rôder autour du champ de protection des chanterelles.
Chaque pas était un peu plus difficile que le précédent. Elle avait tenté de les compter, mais elle s'était arrêté après avoir dépassé les quatre chiffres. Ses mollets étaient constamment crispés et bien que le sol était la plupart du temps plat, ses cuisses en pâtissaient aussi. Son dos n'arrêtait pas de craquer et ses trapèzes la brûlaient à force de porter son sac à dos et sa toile de tente. Même si Lüka la soulageait en lui enlevant ce poids de son paquetage la moitié du temps, ce n'était pas suffisant pour que son dos se repose assez et reparte requinqué. La culpabilité s'emparait un peu plus d'elle à chaque fois qu'elle avait envie d'abandonner.
Et puis ses oreilles bourdonnaient. Elle avait beau beaucoup apprécier les myconides, elle n'en pouvait plus de leur musique jour et nuit, de tôt le matin à tard le soir. Alors elle plongeait dans son imagination pour essayer de se libérer de toutes ses choses.
Elle se plaisait à imaginer son petit cocon, un endroit qu'elle n'avait pas encore visité, pas encore construit. Elle l'imaginait avec une fenêtre donnant sur un champ de fleurs sauvage, dans un endroit où il faisait toujours beau. Le soir, quand la nuit tombait, elle allumait des guirlandes lumineuses partout à travers la pièce, dégageant une lumière tamisée, douce et chaleureuse. Au centre, adossé contre un mur, se trouvait un grand lit moelleux à souhait, vêtu de draps blancs et frais qui sentaient encore la lessive, couvert de plaids doux et chauds. Elle aimait s'y imaginer en train de lire un livre dans le grand fauteuil rond près de la fenêtre avec un chocolat chaud. La chaleur émanant du foyer de la cheminée réchauffait la pièce. Le sol en parquet n'était jamais froid. Elle n'avait jamais froid et elle était tout le temps au sec. Elle pouvait se promener pied nu sans prendre le risque de se blesser. Elle pouvait danser, chanter, crier, rire, lire, peindre, faire tout ce qu'elle voulait ! Elle pouvait passer des heures avec Lüka à contempler les étoiles dans le ciel bleu.
— Le prophète ! s'écria Lupus en sortant Lyuri de sa rêverie.
Sans chercher à comprendre, Lüka qui était le plus près, se jeta à sa poursuite tandis que les myconides s'écartaient sur son passage. Lupus lui jeta un épais gant en cuir qu'il rattrapa au vol lorsqu'il entendit son prénom. Le prophète ne fut pas long à rattraper. Avec ses petites jambes, il ne pouvait pas aller bien loin.
Lüka lui tenait la main et le prophète faisait la moue. Il le raccompagna parmi le groupe de voyageurs.
— Cuir de dragon, c'est le seul truc qui lui résiste ! lança Lupus. Ça évite les situations... fâcheuses, ajouta-t-il à mi-voix.
— Shafryent ! rétorqua le prophète.
Lüka et Lupus échangèrent un regard interloqué. Les myconides se regardèrent tous, un sourire jusqu'aux oreilles étiré sur leurs visages. Bientôt, la musique cessa. Ils avancèrent pendant quelques dizaines de mètres à travers la forêt. Soudain, on put distinguer une éclaircie. Et, sans que les aventuriers ne se doute de quoi que ce soit, le puits se dévoila enfin à eux.
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Kaliora, la dernière terrienne, Tome 2
AventuraAprès leur mésaventure sur Kaliora, Lyuri pense Lüka mort et la Terre a été détruite. Le retour inattendu et tant espéré du chasseur de trésors bouleverse à nouveau son existence. Alors que Lyuri est la dernière terrienne encore en vie, une connaiss...