Chapitre 14

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Lyuri jeta un dernier regard derrière elle pour être sûre de ne pas avoir été suivie. Elle avait marché le long de la falaise pour savoir où elle pourrait descendre sans être vue depuis le camp. Puis, lorsqu'elle avait trouvé une petite crevasse à l'abri des regards, elle avait entamé sa descente. La roche claire était lisse et glissante à cause de l'humidité, mais pas un végétal ne poussait dessus. L'eau du bassin dégageait une légère chaleur. Elle s'agrippait de toutes ses forces à la paroi rocheuse et testait chaque pierre avant de poser le pied dessus. Elle arriva en bas, saine et sauve, et souffla lorsqu'elle vit tout ce qu'elle avait descendu en sachant qu'elle allait devoir le grimper pour remonter avec les autres avant qu'ils ne se rendent compte de sa disparition.

Elle avait atterri sur une petite plateforme rocheuse recouverte de poussière blanchâtre et de cailloux. Tout en bas, il n'y avait pas de vent et le son de la musique des myconides était inaudible. Il n'y avait rien d'autre que la roche et l'eau limpide dans laquelle on distinguait le fond sans savoir à quelle distance de la surface il se trouvait.

Elle remonta ses manches. Une soudaine bouffée de chaleur s'empara d'elle. Timidement, elle avança en direction de l'eau. Elle n'avait aucune idée de ce qu'elle devait faire.

— Bonjour, commença-t-elle comme si elle s'adressait à quelqu'un. Je m'appelle Lyuri...

L'eau du puits était-elle au moins vivante ? Fonctionnait-il grâce à un esprit ? Elle n'en savait rien, mais elle préférait être prudente, juste au cas où. Puis, comme les myconides le faisaient depuis plusieurs heures, elle s'agenouilla et pria. Encore une fois, elle ne savait pas vraiment à qui s'adresser, ni comment faire. Elle s'adressa à quiconque pouvait l'entendre : l'eau, le prophète, le potentiel esprit du puits, Kaliora... Elle essaya tout ce qui lui passa par la tête. Mais n'ayant toujours aucune réponse, elle arrêta. Dernière option à laquelle elle pensait : toucher l'eau. Mais vu la chaleur qu'elle dégageait, elle n'était pas sûre de pouvoir le faire sans qu'il n'y ait de conséquence. Alors elle approcha en premier son pied et la pointe de sa chaussure trempa dans l'eau.

Une lumière blanche forma des ondes autour de son pied en s'agrandissant jusqu'aux bords du puits. Une ribambelle de points lumineux partirent du centre de l'eau pour venir tourner autour du pied de Lyuri jusqu'à ce qu'elle soit coupée du monde extérieur, englobée par un mur de lumière blanche.

Elle plissa les yeux, aveuglée. Sans qu'elle ne s'en rende compte, la lumière s'était transformée en une petite parcelle de terre, avec un ciel bleu quadrillé, un jardin fleuri, une petite maison. Sa petite maison.

Son père, un homme long et fin à la moustache toujours impeccable, tenait son cartable à la main. Il portait l'un de ses nombreux polos affreux aux motifs psychédéliques qui amusaient toujours les élèves de l'école de la Bulle-campagne. Son petit frère et sa petit sœur le suivaient, sac à dos bien en place sur leurs épaules, prêts à se rendre en cours. Ils devaient être en CM4 si Lyuri ne se trompait pas et, comme elle le voyait, ils se chamaillaient encore. Yzbelle, sa mère, s'était une fois de plus levée de bonne heure pour s'occuper des fleurs du jardin. Elle apprenait à son fils ainé la botanique, comme il souhaitait reprendre la boutique de fleurs de sa mère, située dans le centre de la Bulle, non loin de la gare pour l'exportation. Son grand frère avait encore grandi, il faisait presque la taille de son père. Lyuri et lui se ressemblaient beaucoup : les mêmes cheveux châtains, les mêmes yeux verts, le même nez qui pointait vers le ciel. Tout ça, ils le tenaient de leur père, sauf le nez qui venait de leur mère.

Lyuri s'approcha d'eux. Depuis combien de temps ne les avait-elle pas vu ? Elle essaya de compter. Presque deux ans. Elle leva la main pour essayer de capter leur attention et lorsque son père passa près d'elle, elle tenta de le prendre dans ses bras. Mais il s'envola en fumée. Le décor disparu, comme lorsqu'on souffle sur un nuage, et se transforma en lumière blanche avant de disparaitre complètement.

Kaliora, la dernière terrienne, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant