Lyuri ouvrit les yeux. Toujours la salle de classe. Elle exerça une légère pression avec sa main. Elle tourna la tête subitement.
— Ça a marché ! s'exclama-t-elle en lui lâchant la main.
Mais aussitôt que ses doigts ne le touchèrent plus, Lüka commença à disparaitre. Ils précipitèrent leurs mains ensemble et les raccrochèrent de justesse avant qu'il ne soit envoyé dans l'un de ses propres souvenirs. Lyuri souffla de soulagement.
L'heure affichée sur le TBI changea d'une minute. 16h55. La porte s'ouvrit. Madame Pont-Pignon entra dans la salle et déposa un petit coffret sur le bureau. Elle replaça ses lunettes sur le haut de son nez du bout du doigt. On frappa mollement à la porte.
— Entre, Lyuri.
La jeune Lyuri d'à peine douze ans passa la tête dans l'entrebâillement de la porte avant de l'ouvrir pour rentrer dans la salle de classe. Elle se posta à deux mètres de sa professeure principale, entre le bureau et la sortie, sur la petite estrade.
Elle portait encore sa jupe d'uniforme bleu à carreaux. Cette année-là, les uniformes d'hiver avaient tardé à arriver. Ses chaussettes noires montaient jusqu'à ses mollets, ses mocassins de cuir étaient cirés, son pull bleu était lissé et rentré dans sa jupe, son veston portant le blason de l'école rendait son allure fière et ses épaules carrées. Ses cheveux, plus courts qu'aujourd'hui, étaient tirés et plaqués en arrière, maintenus par un élastique et un nœud qui assurait la reconnaissance du niveau scolaire des élèves par les professeurs qu'ils n'avaient pas en cours.
Elle a l'air tellement sévère, pensa Lüka.
— Approche, ordonna la professeure.
Les deux Lyuri se crispèrent. La plus jeune s'avança dans une démarche presque militaire. Madame Pont-Pignon ouvrit le coffret et en sortit un petit objet brillant.
— Voilà le premier semestre passé, Lyuri, commença froidement la professeure. Tu n'as fait aucune faute jusqu'ici, pas une seule.
La jeune Lyuri s'attendait à un « mais », à une remarque sur sa coiffure si une mèche de cheveux essayait de s'échapper, à une punition.
— Tes notes sont excellentes. 19,6 de moyenne, tu es l'une des plus douées de ton niveau. Tu fais partie de l'élite et c'est ce que nous recherchons. Tu es l'exemple parfait de qui nous cherchons à former dans cet établissement. Des étudiants dignes et droits, prêts à prendre la tête de ce pays et le diriger d'une main ferme mais juste. La Terre te remerciera un jour, tu accompliras de grandes choses. C'est pourquoi j'aimerai te remettre cette étoile. Cumule-les afin d'obtenir les privilèges qui vont avec. Vous n'êtes que trois dans ce niveau à en avoir reçu une, je compte sur toi et tes camarades pour continuer sur cette voie. Mes félicitations.
Jamais Madame Pont-Pignon n'avait eu de paroles aussi douces, aussi gentilles. Elle offrit la petite étoile d'or à la jeune fille qui se tenait devant elle et elle l'épingla aussitôt à sa veste. Malgré l'honneur qu'elle venait de recevoir, Lyuri dû s'empêcher de sourire tant qu'elle était en présence de sa professeur.
— Merci, Madame.
— Tu peux disposer.
L'étudiante inclina la tête en signe de respect, puis fit demi-tour et quitta la salle de classe. Les deux aventuriers la suivirent. Lyuri avait fini par comprendre qu'elle devait suivre son ancien soi pour pouvoir quitter le souvenir et passer au suivant, car sans les avoir tous visionné, elle avait peu de chance de sortir un jour de cet état.
Mais alors qu'ils passèrent devant la salle noire, Lyuri s'arrêta. Sa curiosité était un vilain défaut, elle le savait. Mais elle avait besoin de savoir ce qui s'était passé pour comprendre sa réaction. Elle s'approcha prudemment de la porte. Des pleurs résonnaient à l'intérieur suivit d'un cri à peine audible, camouflé par la mousse de polyuréthane accrochée partout sur les murs et la porte, fermée à double tours. Elle essaya d'ouvrir la porte, mais son âme n'y parvint pas. En poussant dessus pour l'ouvrir, elle passa à travers sans entendre le petit gémissement de surprise de Lüka. Sa main tenait toujours la sienne et son bras passait à travers la porte, mais son corps était à l'intérieur de la salle noire. Elle en ressortit blanche comme un linge à peine quelques secondes après y être rentrée. Sans un mot, elle continua son chemin en direction de sa toute première chambre d'internat.
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Kaliora, la dernière terrienne, Tome 2
PertualanganAprès leur mésaventure sur Kaliora, Lyuri pense Lüka mort et la Terre a été détruite. Le retour inattendu et tant espéré du chasseur de trésors bouleverse à nouveau son existence. Alors que Lyuri est la dernière terrienne encore en vie, une connaiss...