Chapitre 9

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Plus le temps passait, plus les sacs pesaient sur leurs muscles endoloris. La forêt était très humide, bien plus que la veille. Le ciel était gris, l'herbe glissante. Les arbres dégageaient une odeur de pin et de fougère qui commençait à leur prendre à la gorge.

Le temps défilait lentement, beaucoup trop lentement. Lyuri s'ennuyait. Il n'y avait rien d'autre à faire que marcher en suivant Lupus qui les guidait. Elle espérait secrètement que les gardes de la ville les rattrapent ou que les créatures qui les avaient attaqué reviennent pour apporter un peu d'action à cette journée qui n'en finissait pas.

Lorsqu'enfin la nuit commença à tomber, elle fut soulagée que la journée se termine. Comme la veille, elle installa sa toile de tente près d'un arbre. Comme Lüka avait terminé d'installer sa tente en premier, c'est lui qui alluma le feu et prépara le repas. Des galettes de céréales aux œufs bleus et aux baies roses d'Ural dont Lyuri avait oublié le nom.

Alors qu'ils s'installaient pour manger, Lupus proposa :

— On devrait faire des tours de garde cette nuit, au cas où les bêtes noires reviennent.

Lüka et Lyuri acquiescèrent.

— Je commence, vous pourrez aller vous reposer. Je viendrai vous réveiller quand j'irai me coucher.

Ils dégustèrent le repas préparé par Lüka. Il avait ce talent de toujours préparer de bons petits plats même lorsqu'il n'avait pratiquement rien sous la main. Ils étaient simples, mais nourrissants et souvent délicieux. Ou peut-être était-ce la palais de Lyuri qui était ravi après avoir passé presque six ans au pensionnat à manger des repas dont même les rats n'auraient pas voulu.

Les deux adolescents partirent se coucher et laissèrent Lupus seul avec le prophète autour du feu. Lupus arracha un morceau d'écorce à une bûche avant de la jeter dans le feu et y traça un quadrillage à l'aide de la pointe de son épée. Il plaça des gravillons dessus et joua avec le prophète à un jeu auquel ils avaient l'habitude de s'affronter lors de son précédent séjour à Shadida : le jeu de dôl. Un jeu de plateau, croisement entre les échecs et les dames, avec des mises, comme au poker. Le prophète, toujours aussi doué, remporta toutes les manches et une petite bourse d'or avec.

Lyuri se réveilla. La lueur du feu éclairait légèrement l'intérieur de sa toile de tente. Ses pieds étaient gelés et son corps frissonnait. Elle enfila ses chaussures et sa veste et se rendit dehors pour prendre son tour de garde et profiter par la même occasion de la chaleur des flammes. Lüka avait le regard plongé dans la danse du feu. Perdu dans ses pensées, il ne l'entendit pas arriver. Lyuri posa une main sur son épaule.

— Tu peux aller te coucher si tu veux, je prends le relais.

Lüka bailla à s'en décrocher la mâchoire. Il se leva et avança vers Lyuri. Il sortit son poignard de son fourreau et tendit le manche à Lyuri.

— Prends ça, au cas où.

Elle le remercia. Ce n'était pas de refus.

— Bonne nuit, lui souhaita-t-elle.

— A demain.

Il s'étira et plongea dans sa toile de tente, épuisé.

Lyuri regarda le plateau de jeu improvisé et tenta de comprendre les règles. Elle fit une partie de dames, elle-même contre son propre esprit. Elle en termina une première, puis une deuxième, puis une troisième. Le temps était long.

Elle ramassa quelques petits gravillons sur le sol et les jeta un à un dans le feu, le faisant crépiter. Des étincelles volèrent et vinrent se déposer dans l'herbe humide autour du foyer. Elle s'assit un peu plus près des flammes. Ses doigts commençaient à rougir et ses doigts de pieds à se rigidifier.

Kaliora, la dernière terrienne, Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant