22 : Thea

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On est lundi. On est le quinze mai, aujourd'hui. Vendredi, c'est mon anniversaire. Mais aujourd'hui, c'est l'anniversaire de mort de mon père. Il faut que je respecte les traditions.

Comme tous les ans, je ne serais jamais heureuse en ce jour. Je passe ma journée à être triste. Je fais des tas d'activités pour rendre hommage à mon père, mais je n'arrive pas à être pleinement heureuse aujourd'hui et cela tous les ans.

Ce matin, à cinq heures, je me suis réveillée, la boule au ventre. J'ai ouvert les yeux, et mon regard s'est posé sur le beau visage endormi de Gabriel. Je souris légèrement et pendant une demi-seconde. Je me glisse hors du lit et enfile un jogging et un sweat par-dessus mon pyjama léger. Malgré le fait que les températures estivales commencent à arriver, le temps veut se moquer de moi e m'offrir une journée pluvieuse tous les 15 mai.

Je décroche la veste en cuir qui a appartenue à mon père du porte-manteau. Sans prévenir, ni Gabriel, ni Max, ni Lina, je sors discrètement de l'appartement et je me faufile au rez-de-chaussée. Il ne pleut pas encore mais ça ne va pas tarder. Je prends ma voiture et je vais au cimetière de New York.

Dix minutes plus tard, j'arpente les allées du cimetière. Je sais exactement où elle est, et je m'en rappellerai forcément même sans mon hypermnésie.

Je m'installe devant sa tombe, dans l'herbe humide. Je lis, lis et relis les gravures qui l'orne.

1973-2003

Josh Williams,

Père et mari bien-aimé

« Pour mon petit sucre »

Une autre tradition que j'ai en cette journée particulière : je ne prononce pas un seul mot de toute la journée. Ma famille non plus. On a pas besoin de mots pour dire aux gens ce qu'on ressent.

Et je reste ici, assise dans l'herbe, devant la tombe de mon père, pendant trois heures. J'ai déployé mon parapluie entre temps. A huit heures, je suis rejointe par ma mère, mon frère, Léna, Kaitlin, Gabriel, Jared et Sacha. Tous mes amis. Toutes les personnes que j'aime.

Leurs bouquets de fleurs se joignent au mien, déjà déposé. Il est entouré de fleurs. Des violettes. Sa fleur préférée. Je suis son petit sucre et sa fleur préférée, en quelques sortes ; mon deuxième prénom est Violette.

Au bout d'un moment, je n'y tient plus : les larmes se mettent à déferler sur mes joues. Je pleure silencieusement, supportée moralement par ma famille et mes amis. Je me blottis dans les bras de mon frère. Nous sommes tous trempés malgré les parapluies mais ce n'est pas grave. L'important, c'est que nous soyons ensemble.

A midi moins le quart, nous rentrons à l'appartement. Je prends une douche et renfile des vêtements entièrement noirs par la suite. J'attache mes cheveux en un chignon désordonné et pas une trace de maquillage n'est posée sur mon visage. Aujourd'hui est le seul jour où je ne fais absolument aucun effort.

J'aide Maxime à préparer le plat préféré de notre père : un simple poulet rôti avec des pommes de terre. Le repas se passe dans un silence confortable, tous les sept rassemblés autour de la table.

L'après-midi, nous sommes assis sur le canapé, en regardant des albums de famille. Je suis contente à l'intérieur mais incapable de sourire. Ma mère me prévient qu'il manque quelques albums qui sont au grenier. Je lui fait comprendre que je vais aller les chercher. Léna se propose pour m'offrir de la lumière. J'accepte chaleureusement.

Je monte au grenier poussiéreux. Il est rempli de caisses en tout genre, du genre qui est inutile mais que ma mère ne veut absolument pas jeter. Je ne lui en veux pas. Oui, je suis chez moi, mais ça ne rentre plus dans le sien alors elle stock ses trucs chez moi. Mais ça ne me dérange pas.

Unforgettable [TERMINÉE - en réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant