Chapitre 25 : Brainstorming

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« —Ne me dis pas que tu vas aussi soupçonner Felipe ? s'étonna Ewen. C'est pas comme si on pataugeait déjà pas suffisamment comme ça, tu vas pas nous rajouter une piste. On s'en sortira jamais.

—Patron dirait « il ne faut négliger aucune piste », lui répondit Maggie en prenant une grosse voix afin d'imiter son chef.

—C'est très mal imité, leur lança une voix grave à l'autre bout du couloir. »

Maggie et Ewen pouffèrent comme des enfants, ce qui eut pour effet de considérablement les détendre après la matinée mouvementée qu'ils venaient de passer. Les deux compères s'installèrent derrière leurs bureaux, tous deux avachis sur leurs confortables sièges.

« —Il faut qu'on fasse un point sur tout ce qu'on sait à l'heure actuelle, fit Maggie. On a besoin de se remettre les idées en place. »

À l'ancienne, elle sortit une feuille blanche d'un de ses tiroirs, attrapa un stylo à bille qui traînait sur son bureau, et elle s'apprêta à noter. Ewen prit la parole en premier pendant que sa collègue écrivait de manière compulsive :

« —Sébastien et Magali Pullin ont retrouvé un cadavre momifié dans leur sous-sol en faisant des travaux. La toute première piste que nous avons eue nous a été soufflée par le couple Pullin lui-même : une vengeance de l'une des sœurs ou du frère de Monsieur Pullin, père.

—Vengeance en lien avec l'héritage de la maison qui est vécu comme une injustice de la part de la fratrie, précisa Maggie pensive.

—Après de brèves recherches, on s'est rapidement mis d'accord sur le fait qu'il s'agissait d'Isabel Rodriguez, une jeune immigrée espagnole qui avait travaillé pour la famille Pullin avec sa mère. Là, on a commencé à s'intéresser davantage à Thierry Pullin qui lui aurait tourné autour de manière très insistante et qui semble assez instable sur le plan psy.

—Ensuite on a eu Gwenn, Odile et Hadrien.

—Une histoire de jalousie à cause d'un mec infidèle qui tournait aussi autour d'Isabel comme un chien affamé. Pour ce qui est d'Hadrien, on n'aura plus de problèmes avec lui parce qu'il est mort.

—Après ça, c'est Marie-Agnès qui nous a donné la date de la disparition.

—Si sa mémoire est bonne, ce que je pense être le cas, elle aurait disparu le 21 décembre 2000. Juste avant Noël. Sans oublier sa fille Anne, la raciste.

—Honnêtement, je ne pense pas que le racisme qu'elle affiche ouvertement soit un mobile suffisant pour tuer. En tout cas la concernant.

—Je ne pense pas non plus. Mais c'est à noter.

—Bien sûr. Bon, après ça, on a été convoqués à la morgue par mon frère qui s'est retrouvé en charge du dossier.

—Et là, dans le plus grand des calmes, il nous apprend qu'elle a été violée, et peut-être même après sa mort. »

Maggie réprima un frisson d'horreur avant de poursuivre :

« —Sans oublier qu'il nous a aussi indiqué qu'Isabel a très probablement été tuée dans la cave dans laquelle elle a été retrouvée.

—Information qui ne nous aide pas beaucoup puisqu'elle a été tuée à une période où absolument toute la grande famille Pullin avait les clés de la maison. Même certains ouvriers avaient aussi les clés apparemment. On s'en sortira jamais Maggie. À tous les coups c'est un mort ou un parfait inconnu qu'on ne retrouvera jamais qui a fait le coup.

—Non, j'en mettrais ma main à couper qu'il s'agit d'une des personnes que nous avons rencontrées. Je suis sûre qu'on a tout ce qu'il nous faut pour résoudre cette fichue affaire d'un autre temps, mais qu'on n'arrive pas à mettre le doigt dessus. »

Silence consternant. Ils ne savaient plus dans quelle direction aller.

C'est le ventre d'Ewen qui brisa le silence. Il rappela aux détectives qu'ils avaient oublié de se nourrir depuis leur petit-déjeuner sommaire.

« —On sort s'acheter un sandwich ? demanda le détective. Je ne sais pas toi, mais moi je meurs de faim maintenant.

—Il est 14h, tu crois qu'ils auront encore quelque chose à grignoter à la boulangerie ?

—Y'a qu'un moyen de le savoir. »

Ewen se leva, enfila son blouson, et attendit que sa collègue fasse de même. Une fois que ce fut chose faite, ils se dirigèrent vers leur boulangerie de prédilection.

Dans la boutique, il n'y avait plus beaucoup de choix. Victime de son succès, les meilleurs produits étaient très rapidement en rupture de stock. Ewen prit un jambon-fromage, le plus tristement simple de tous les sandwiches, tandis que sa collègue orienta son choix sur une salade niçoise dont elle s'appliquerait à retirer méticuleusement chaque morceau d'olive qu'elle croiserait. Avec ça, ils prirent une bouteille d'eau et une petite pâtisserie.

Les deux amis rentrèrent aux bureaux pour manger. Il faisait bien trop froid dehors et le vent soufflait bien trop fort pour qu'ils s'installent sur un banc. Ils mangèrent dans le petit espace aménagé en salon de leur open-space.

Une fois la dernière bouchée de leur pâtisserie avalée, leur faim était à peine comblée, mais ce serait amplement suffisant pour les faire tenir jusqu'au soir. Presque aussitôt, Maggie regretta son choix de salade. Le riz lui pesa déjà sur l'estomac et, accompagné par deux très courtes nuits, la plongea dans un état de fatigue très avancé.

Alors qu'elle commençait à piquer du nez sur son confortable fauteuil, c'est Ewen qui la ramena dans le moment présent :

« —Si Patron te voit faire une sieste au boulot alors qu'on n'arrive pas à avancer dans l'enquête, je ne donne pas cher de ta peau.

—Dormir m'aide à réfléchir.

—Même le meilleur avocat du monde n'arriverait pas à convaincre Patron de ça.

—En attendant, même éveillés on n'avance pas beaucoup plus. »

1-0 pour Maggie.

« —Je serais curieuse de savoir ce que peut bien faire Felipe de ses journées, songea Maggie qui était à présent plus éveillée.

—Je suis d'accord avec toi, son apparition soudaine n'est peut-être pas anodine.

—Maintenant que j'y réfléchis, il ne nous a pas dit qui l'a prévenu pour la découverte du corps. »

Un mauvais pressentiment prit possession des détectives. Maggie alla jeter un œil au dossier qui traînait sur le bureau de Djamila espérant que Morgane, qui semblait absente depuis plusieurs jours, aurait toutefois eu le temps de noter les informations nécessaires pour pouvoir recontacter l'espagnol.

À leur grand soulagement, ce fut le cas. Felipe logeait dans un hôtel abordable dans le centre de Jouville. Il embarquèrent leurs affaires et s'installèrent dans la voiture de fonction, Ewen au volant, prêts à aller rendre une visite surprise au nouvel arrivant.

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