Odette Germain habitait dans un HLM d'un quartier pauvre et mal fréquenté de Fécamp, le Ramponneau. À son domicile vivaient encore ses fils Mike et Brandon, dont les prénoms étaient directement inspirés des séries américaines qui nourrissaient leur mère au quotidien, mais ils n'étaient pas présents au moment de la visite des deux détectives.
Durant le court trajet de leur voiture à la porte de l'immeuble, Ewen et Maggie furent dévisagés à la fois par un groupe de jeunes méfiants installé un peu plus loin sur le parking, posés contre leurs scooteurs débridés, et par des personnes accoudées aux rebords de leurs fenêtres, l'air mauvais. Les inconnus n'étaient pas admis dans ce quartier évoluant en autarcie.
Les détectives sonnèrent à l'interphone. Une voix de femme sans amabilité se fit entendre.
« —Madame Germain ? demanda poliment Maggie.
—Oui, répondit sèchement la voix.
—Bonjour, nous sommes détectives privés, nous souhaiterions vous parler.
—Quatrième étage, porte au fond à gauche. »
Un déclic se fit entendre. Ewen poussa la porte d'entrée de l'immeuble qui s'ouvrit dans un grincement synonyme de manque d'entretien. Il s'y engouffra avec sa collègue et grimpèrent les marches – l'ascenseur étant interdit d'accès à cause des dégradations subies – et le jeune homme frappa autoritairement à la porte à gauche au fond du couloir.
Un homme, la cinquantaine, en obésité morbide, le crâne dégarni sur le dessus et un collier de barbe mal taillé leur ouvrit.
« —C'est ça les détectives ? cracha-t-il.
—Bonjour monsieur Germain, dit Ewen poliment, mais toujours avec autorité. Je suis Ewen Mercier et voici ma collègue Maggie Annisterre. Nous sommes effectivement détectives privés.
—Entrez, mais frottez vos pompes sur le paillasson avant. Ma femme a fait le ménage, vous allez pas tout dégueulasser. »
Il s'écarta pour les laisser passer. Chacun leur tour, les détectives entrèrent en frottant énergiquement leurs pieds sur le paillasson en question, portant la délicate inscription « J'espère que t'as pensé aux bières », et furent conduits par l'homme dans un salon pauvrement décoré où les attendait une femme, méfiante.
Rien n'était assorti dans ce salon aux meubles récupérés ici et là, semblables à une vitrine Emmaüs. Le buffet, les murs et autres surfaces planes supportaient des dizaines de bibelots et de cadres bariolés exhibant fièrement toute une vie de photographies. En revanche, l'appartement semblait être dans un état de propreté irréprochable. Le sol carrelé était usé par les ans, mais brillait de mille feux. Pour achever ce tableau, une odeur à la fois lourde et douce de pot-au-feu régnait dans l'atmosphère.
La femme, sans aucun doute Odette Germain, avait le visage grave et portait les stigmates de son ancienne vie de femme battue. Ses cheveux mal coiffés et largement grisonnants la vieillissaient prématurément. Sa tenue, à l'image de celle de son mari, était vieille, usée, et de mauvais goût.
« —Asseyez-vous sur le canap', leur ordonna l'homme. »
Les détectives se serrèrent sur une partie du petit clic-clac recouvert d'un drap sûrement plus vieux qu'eux et tendu à l'extrême. L'autre partie était réservée à un gros chat banc avec des tâches noires et brunes qu'ils n'osèrent déranger, de peur de s'attirer les foudres de ses maîtres.
Monsieur et Madame Germain s'installèrent quant à eux dans leurs fauteuils respectifs qui avaient, au fil des ans, imprimé leur silhouette dans les coussins bon marché.
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L'héritage
Mystery / ThrillerQui n'a jamais redouté s'installer dans une vieille maison chargée d'histoire et y trouver un cadavre momifié en faisant des travaux de plomberie ? C'est exactement ce que va vivre la famille Pullin en héritant de l'ancienne chaumière familiale, obj...