Chapitre 16 : 21 ans plus tôt - 2

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Isabel et ses parents avaient échoué sur le port du Havre, fin avril 2000. La célèbre grisaille normande était présente pour les accueillir. Ils se rendirent dans un miteux hôtel Formule 1 à l'hygiène douteuse et s'y enregistrèrent pour une semaine. Cela rentrait dans leur budget et devait leur permettre de trouver mieux sans se précipiter.

Malheureusement pour eux, leur recherche de logement s'avéra plus compliquée que prévue. Une semaine après leur arrivée, ils n'avaient toujours pas trouvé mieux que leur hôtel. Sauf que leurs finances n'étaient pas illimitées et ils ne pouvaient plus se permettre ce luxe, si tant est qu'on puisse parler de luxe que de vivre dans de telles conditions.

Cette semaine n'avait pourtant pas été complètement nulle. En effet, alors que Raquel Rodriguez se présentait avec sa fille, comme traductrice, dans une agence d'intérim afin de proposer ses services et ceux de son mari, elle eut la chance de tomber sur Betty Gruvot.

Betty était une grande amie d'une certaine Laurence Pullin. Et elle savait que Laurence était bénévole pour une association venant en aide aux personnes en situation d'immigration. Elle les orienta donc vers cette association qui sera plus à-même qu'elle de les aider.

« —Ne vous en faites pas, rassura Laurence Pullin, on va vous trouver un petit coin douillet en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. »

Isabel traduit cette dernière phrase à ses parents qui s'affaissèrent de soulagement.

Jeune et pleine de vie, Laurence remua ciel et terre pour leur trouver un toit. Et c'est justement dans son village qu'elle trouva sa pépite. Un petit appartement, résidence secondaire de propriétaires aisés qu'elle connaissait via ses relations à la mairie, était le logement idéal. Les propriétaires y venaient un mois l'année, en septembre, pour passer des vacances à proximité de la mer, et le laissaient à l'abandon le reste de l'année, préférant perdre un peu d'argent chaque mois que de s'embêter avec un locataire indélicat. Grâce à son bagout, et surtout à ses relations, Laurence réussit à obtenir leur autorisation pour loger gratuitement la famille Rodriguez dans leur logement, à condition qu'ils l'aient libéré en septembre et qu'ils l'entretiennent à leur charge.

Touchée par cette famille, et aimant passer pour la sauveuse, Laurence proposa également à Raquel de travailler pour sa propre famille. Elle avait dit cela dans un élan de bonté, sans concertation avec son mari qui râlera pour la forme mais finira par céder à sa femme, finalement ravi d'être débarrassé de certaines tâches ménagères.

José, Raquel et Isabel s'installèrent dans le petit appartement qui leur était gentiment prêté. Les parents se sont attribué la seule chambre du logement, tandis qu'Isabel reçut le canapé pour accompagner ses nuits. Ils avaient à présent quatre mois pour trouver un autre logement. C'était amplement suffisant.

Raquel Rodriguez commença à travailler chez les Pullin une semaine après leur emménagement dans le village. Elle arriva enjouée et confiante. Confiante à l'idée que sa vie était en train de changer et que tout allait être positif. Qu'ils allaient pouvoir offrir une vie meilleure à leur fille.

Pourtant, cet enchaînement de décisions et d'actes était en train de la pousser petit à petit dans la gueule du loup. La suivante fût certainement le coup de grâce, celle qui allait définitivement lier la petite famille Rodriguez à la grande famille Pullin, pour leur plus grand malheur.

Raquel, étant en grande difficulté avec la langue française, décida de venir travailler chez ses patrons accompagnée de sa fille qui n'avait ni emploi ni études. C'est ainsi que, dans une maison en travaux où allaient et venaient tous les membres de la famille Pullin à leur guise avant qu'ils ne se déchirent, Isabel fit la rencontre de son bourreau. Mais ça, elle ne le savait pas encore.

L'héritageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant