Chapitre 3

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Je manipulais avec admiration la transformation physique opérée par les doigts de fée de ma chère fiancée. À travers le miroir, je pouvais contempler les quelques mèches qu'elle avait teintée au couleur de l'arc en ciel, et la tenue qu'elle m'avait préparée.

Lorsque je lui avais suggérée que je pouvais m'habiller toute seule pour cette Pride, elle m'avait tout de suite arrêtée en soulignant que ce n'était pas possible. Et que je m'habillais comme une lesbienne de quatre-vingt-dix ans.

Je ne voyais pas de mal aux goûts vestimentaires de mes aînées lesbiennes, moi.

Mais au final, c'était pour le mieux. Elle m'avait habillé d'un T-shirt beaucoup trop court et d'un bermuda taillant assez haut pour cacher mon nombril que je n'oserais jamais montrer en public.

— Ça s'appelle un crop top, me lança-t-elle, en mettant ses talons hauts vernis sur le canapé, complétant sa tenue fantasque et très courte (je ne lui avais rien dit sur ce point-là).

Elle s'était assemblée les locks dans un énorme chignon décorée de l'arc en ciel. Son maquillage excentrique se trouvait aussi dans ce thème. Chaque coin de ses yeux s'était métamorphosé en papillon coloré.

— Magnifique. Vous m'en apprenez tous les jours. Par contre, êtes-vous sûre que je puisse me faufiler sans être reconnue parmi la foule ?

Elle termina de mettre ses chaussures et admira le résultat, visiblement satisfaite de son travail.

— J'en suis sûre, choupette ! Absolument personne ne s'attendrait à te voir dans cette tenue-là, sois-en sûre. Mais si tu avais accepté de retirer ton béret, tu aurais été encore moins reconnaissable.

Elle se leva du canapé, s'approcha de moi en deux pas et leva la main en direction du précieux chapeau. J'aplati ma main contre le béret et mon crâne, signifiant mon refus d'obtempérer. Niet. Je me sentais nue sans. Je l'avais depuis aussi longtemps que je m'en souvienne.

— Bon, d'accord, j'ai compris. Au pire, tu passeras pour une fan.

Une fan ? Ça pouvait passer, ça.

Et d'ailleurs, elle n'avait pas du tout tort car lorsque nous rejoignîmes la cohorte colorée, pas une personne ne m'avait sauté dessus pour me demander tel ou tel autographe : alléluia.

Je pouvais donc profiter du beau temps, de ma Estelle, et de cette première Marche des Fiertés de ma vie. J'avais pu voir des drapeaux inédits, des Drag Queens impressionnantes, et des inscriptions aux pancartes bien pensées. La parade s'arrêta dans une pause.

Dans le brouhaha des tambours et des chansons, Estelle me pris le bras :

— Alors choupette, comment ça s'est passée hier avec ton frère ? Comment tu t'es sentie en le renvoyant ? Il a pu donner des réponses à tes questions ?

Ah, Estelle. Ma chère Estelle. Pourquoi ruiner cette belle journée par un tel sujet ?

— Je... c'était vraiment spécial, de le revoir après tant d'années. Il a changé. Ou plutôt, il s'est débarrassé de ce masque qu'il me montrait tous les jours. Je ne sais pas lequel est le plus vrai. Enfin, il a des cernes conséquents aux yeux. Peut-être que la culpabilité lui a volé son sommeil ?

— C'est possible.

— Il n'a pas vraiment répondu à mes questions, si ce n'est de critiquer ma méthode de travail, et je dois dire qu'il avait raison de le faire. Nous avions entamé une partie de Uno, qu'il a gagné haut la main.

— C'est vrai que c'était son expertise à lui, surtout le Uno. Tu ne t'es pas vraiment frottée à ce qu'il y avait de plus facile.

Je secouai la tête :

Béret Écarlate et le Cirque à ParisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant