Chapitre 14

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Après avoir récupéré le chiffre 31, nous restions longtemps silencieux, dans une atmosphère gênante. Elle était encore plus déplacée par le fait que nous nous trouvions au beau milieu d'un concentré de personnes en joie.

Cependant, Dan et moi étions loin de partager des barbes à papa en riant. Nous nous fixions dans le blanc des yeux, ne sachant que dire et que faire après avoir notre petit indice en main.

— Hum, toussota Dan. Il n'y a pas plus d'indications que le chiffre sur le papier ?

— Vous le voyez bien. Ce papier est vierge de toute autre inscription. Je pense que nous devons réfléchir avec les éléments que nous avons déjà récupérés. La suite logique, la localisation géographique, etcétéra. Vous savez, nos théories.

— Hum, oui. C'est sûr.

Nous restions ensuite là, silencieux. Je l'avais quand même traité de monstre quelques minutes auparavant, et lui avait admis qu'il avait été violent lorsqu'il était encore en prison.

Je soufflai. C'était dans ces moments que je regrettai la présence d'Estelle. Elle permettait de détendre l'atmosphère avec une blague, même une de mauvais goût. Mais Estelle n'était pas là, car elle semblait traverser des phases dans lesquelles elle manifestait de l'aigreur à mon égard, sans que je ne sache pourquoi. Elle restait très énigmatique à ce sujet, ce qui ne m'aidait pas à conserver une humeur joyeuse.

Je me sentis obligée de m'excuser face à mon petit frère. C'était moi, la plus grande. C'était moi celle qui devait être la plus responsable.

— Dan, je...

— Ne dis rien. Je ne veux pas entendre plus d'excuses. J'ai besoin que tu sois la plus sincère avec moi. Tu ne me fais pas encore confiance, soit, ce n'est pas comme si tes craintes étaient infondées. Mais n'essaye pas d'être trop gentille avec moi. Professeure Matthias est tout le temps comme ça. Je trouve ça charmant, mais ce n'est que se mettre de la poudre aux yeux pour éviter de voir la vérité en face.

— La vérité... qui est ?

— Qu'on a été manipulé, et que l'on est toujours. Toi comme moi, dit Dan. Nous sommes des machines à résoudre des crimes. Le fait même que tu sois autant déterminée à résoudre l'affaire montre que j'ai raison. Être ici, faire ça, c'est devenu ta raison de vivre. Je me trompe.

Je maintenais le contact visuel, les bras toujours pleins de ce poussin grandeur plus que nature.

— Non. C'est vrai que je me suis sentie si attirée, comme par une force inexplicable. C'était vraiment étrange. Mais maintenant que tu le dis, c'est peut-être que l'esprit de l'ancien directeur ne m'a jamais quittée. Peut-être qu'il n'a jamais quitté la Marionnettiste non plus, en fait.

Peut-être que nous n'étions que des fantômes se battant contre d'autres fantômes.

La tête pleine de ces questionnements métaphysiques, je pris conscience du poids de la grande peluche, qui tirait sur les muscles de mes bras.

— Ah, Estelle, c'est vraiment dans les pires moments que vous décidez de me faire faux bond !

— Garde-le. On ne sait jamais s'il y a une preuve cruciale à l'intérieur.

— Mais j'ai juste envie de le donner à quelqu'un.

Dan me lança un regard étrange. En fait, il me fallut plusieurs secondes pour me rendre compte qu'il ne me regardait ni moi, ni la peluche, mais une personne se situant derrière moi. En me retournant, je vis. Il nous avait retrouvés.

— Le poussin pour le poulet ! Ça lui va bien, tiens.

Romain était trop loin pour entendre son commentaire. Mais ça ne serait plus le cas pour très longtemps, car il s'avança vers nous, le visage contrarié.

Béret Écarlate et le Cirque à ParisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant