Chapitre 6

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C'était elle. C'était Dieu. Elle était sortie de sa tanière pour me retrouver. Puisque je peinais à découvrir son identité et la vaincre une fois pour toutes, elle avait décidé de venir me prendre elle-même en duel.

Je perdis l'équilibre et m'adossai à un mur, le plus loin possible de ces postes de télévision de malheur. Ce n'était pas possible. C'était mon pire cauchemar.

Non, en fait, ça ne pouvait pas être le pire. La première fois que ce genre de crime sordide s'était passé, j'étais persuadée que c'était la pire chose que je traverserais. Puis il y eut les massacres à l'église d'Estelle et maintenant... ça ? Les niveaux d'atrocités se multipliaient, de surcroît.

Pourquoi le destin ne voulait-il pas me laisser en paix ?

Mon téléphone vibra. Après un sursaut d'effroi, je décrochai et entendis la voix de ma lady.

— Fabienne, tu vas bien ? Je viens de voir pour... pour la clown marionnettiste. C'était partout. Sur la télé, sur internet... C'était d'une horreur. J'ai pas pu tout regarder. J'arrive pas à croire qu'ils t'aient fait un truc pareil ! Comment c'est possible ? C'est qui ? Tu la connais ? Comment elle sait pour tes questions ?

Elle m'assaillit de questions une par une avec une voix forte. J'aurais bien voulu lui répondre, mais je n'en savais rien, moi ! Si quelqu'un avait les informations, n'importe qui, j'aurais été prête à le supplier à genoux.

J'éloignai le téléphone de mon oreille d'une main et me frottai les arêtes du nez de l'autre. Son agitation ne me donnait pas le calme dont j'avais besoin.

— Ma lady, je vous en conjure, calmez-vous. Je ne sais rien de ce qui arrive. Rien du tout. J'aimerais bien le savoir, mais pour cela, j'ai besoin de calme.

— Bah dis tout de suite que je te dérange, peut-être ?

— Ma lady, dis-je en soupirant de façon audible, vous savez très bien ce que j'ai voulu dire.

Ce fut à son tour de souffler.

— Je sais, mon amour. Je suis désolée, c'est que toute cette folie m'excède. Je ne comprends pas... partout là où on passe, des choses affreuses se produisent. Comme si on était maudites. Poursuivies par l'esprit du Mal en personne.

— Partout là où je passe, nuance. Ma douce, je suis ciblée, et explicitement, cette fois. J'ai peur de ce que ce monstre est capable de faire. Alors, restez tranquille à l'appartement. C'est clair ? Ça me ferait le plus grand bien de vous savoir en sécurité.

— ...

Elle répondit par le silence. Je ne sus comment le prendre, jusqu'à ce qu'elle précise sa pensée.

— Je... je refuse.

— Comment ?

— Je refuse, répéta-t-elle avec plus d'assurance. Je ne peux pas te laisser entre les mains d'une personne aussi dangereuse seule. Je sais pas pourquoi, mais j'ai l'impression que dès qu'un drame arrive, tu fonces tête baissée dedans, comme si tu avais été programmée à le faire. C'est pour ça que je t'accompagne, non ? Pour pas que tu fasses trop n'importe quoi. a

C'était beau de sa part, mais je ne pouvais pas accepter son cadeau. Elle avait déjà échappé deux fois aux attaques et tentatives de meurtre des coupables jusque là. Je n'allais pas la mettre une troisième fois au cœur du danger. C'était jouer avec le feu.

C'était non. Niet. Nada. Estelle était ce qu'il me restait de plus précieux.

— Estelle Roberts. Vous ne viendrez pas avec moi. C'est trop dangereux. Je ne peux pas risquer de vous perdre. Pas vous.

Béret Écarlate et le Cirque à ParisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant