Chapitre 21

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Nous avions toutes les cartes en main et étions encore au parc, quand Dan dit :

— J'en ai marre. Je veux voir Aurélia.

Il me fallut une bonne petite minute pour que je me souvienne qu'il s'agissait du prénom de mon ancienne professeure de mathématiques.

— C'est soudain, lui avais-je dit. Pourquoi maintenant ?

— Parce que mon cerveau est tout embrouillé et qu'il n'y a qu'elle pour le mettre en ordre. Mais ça devrait être pareil avec ta petite chérie, n'est-ce pas ? D'ailleurs, tu devrais l'inviter.

Et c'était comme ça que nous nous retrouvions à quatre dans un bar parisien, à consommer des limonades fraîches et des cocktails colorés sous un ciel de fin d'après-midi.

Nous étions parvenus à quitter Gina et le policier, qui passèrent du temps à deux sans s'en plaindre. Après, ça aurait été étonnant du contraire, surtout en ce qui concernait Romain.

Nous nous étions promis de nous retrouver le lendemain, afin de réfléchir la tête la plus reposée possible. Avant de nous séparer, nous avions échangé nos numéros de téléphone.

Le courant passait de mieux en mieux entre nous. Si cela continuait à ce rythme, il ne faudrait pas beaucoup de temps avant que je l'appelle « Roro », moi aussi.

Je racontais nos aventures à Pr Matthias et à Estelle, qui sirotait sa boisson en silence, m'évitant du regard. Une partie enfantine de moi voulait pester en lui demandant à quoi cela lui servait d'accepter l'invitation si c'était pour faire la tête. Mais la partie sage et gentleman me persuadait de laisser du temps à ma fiancée. Tôt ou tard, elle me révélerait quel était le problème.

Heureusement que la professeure était tout ouïe. Elle ne semblait nullement paniquée par le fait que Dan se soit évadé de prison ; lui en avait-il parlé au préalable ?

Et si c'était le cas, aurait-elle donné son accord ? Cela semblait fou, pour une femme aussi rigoureuse et respectueuse de la loi. Mais quand l'amour était en jeu, il était vrai que l'on pouvait perdre un peu la raison.

Quoi qu'il en soit, elle apprenait les exploits intellectuels de son protégé avec joie et enthousiasme.

— Je suis heureuse que Dan puisse sortir enfin, et passer du temps avec toi. Je sais qu'il en a rêvé depuis un moment.

— Aurélia ! pesta-t-il. Si j'ai un truc à dire à Fabienne, je lui dirais moi-même, d'accord ?

Elle gloussa en lui donnant son accord. Ce n'était pas sûr qu'elle le respecte, cependant. Elle mentait.

— Et donc, reprit-elle, vous dîtes que vous avez rencontré ces étranges captifs, Noé et Néhémie, c'est ça ? Les histoires qu'ils vous ont racontées sont très particulières, mais il est intéressant de constater qu'ils suivent un motif particulier...

— Un motif ? lui demandai-je, intriguée.

Quand Estelle arrêta de siroter sa boisson, je compris qu'elle se posait tout autant de questions que moi.

— Le monde est une magnifique œuvre d'art. Les peintres le travaillant dessinent des motifs sur tout. Partout. Et les mathématiques sont les façons dont nous analysons ces chefs d'œuvres. La loi de Pareto, le nombre d'or... ce ne sont que des exemples de motifs décrivant les règles de chorégraphie de cet univers. Je ne peux pas m'empêcher de voir des motifs partout. C'est pour ça que je ne peux pas m'empêcher non plus d'en voir un dans cette affaire.

Ses yeux se mirent à pétiller alors qu'elle nous expliquait les liens cachés qu'elle seule, pour l'instant, ne pouvait voir :

— Le motif que je vois est un parallèle. L'histoire de Vercingétorix, ce némésis fictif de Jules César lors de la conquête de cette grande Gaule prétendument unie... Ça me fait penser à un tout autre combat.

Béret Écarlate et le Cirque à ParisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant