Nous étions arrivées à temps.
Les lumières des projecteurs perçaient la nuit devenue noire, et nous nous trouvions juste devant l'entrée, munies de places électroniques réservées illico par les soins d'Estelle. Pour ce coup-là, heureusement qu'elle était présente. Je ne sais pas quelle combine j'aurais alors utilisée afin de me sortir de ce pétrin.
Je pris une grande inspiration. Les portes du chapiteau étaient là, tout près de moi, et j'avais si peur de découvrir ce qu'il s'y trouvait à l'intérieur. Mes sentiments étaient confus ; j'étais, en même temps, excitée d'explorer une nouvelle piste, et effrayée par la possibilité que ce cirque soit dirigé par des criminels. Et pour couronner le tout, j'étais poussée en avant par la soif de justice.
Un bon cocktail participant à ma névrose.
Estelle ne me prit pas par la main pour me décompresser, comme elle l'aurait fait les jours précédents, mais elle m'observa tout de même avec inquiétude.
— Ça va ?
— Oui. Ça va. C'est juste que... c'est un peu stressant, de se dire qu'on peut être si proche de la vérité. Surtout quand elle est laide et qu'on refuse de la voir.
Le peu de sympathie ayant survécu à sa rancœur envers moi s'envola.
— Ouais. Je comprends totalement.
Nous tirerons cette affaire de cœur aussi, ce soir. En même temps que cette affaire criminelle.
Nous rentrions, et fûmes tout d'abord contraintes de plisser les yeux et de nous couvrir le visage, car la lumière y était trop forte.
Le cirque n'avait pas encore éteint toutes les lumières. Tant mieux. Le spectacle semblait ne pas encore avoir commencé.
Estelle jeta un rapide coup d'œil aux tickets, et nous guida vers les bonnes places. Nous avions deux sièges côte à côte au milieu d'une rangée bondée. Un peu comme toutes les autres rangées, d'ailleurs. Le cirque était quasi complet.
Je lançai des regards à mes voisins proches, ainsi qu'aux restes du public, situé sur tout le pourtour de mon champ de vision.
Ils étaient divers. Femmes mûres, jeunes, hommes et enfants peuplaient le cirque. Romain avait raison. Par contre, une question me taraudait. Eux tous ne disparaissaient pas le temps d'un spectacle, n'est-ce pas ? Ce serait trop gros, et trop évident. Non, si aucune association de disparus s'était rapidement mise en place, c'était bien pour une raison.
Et celle-là était que, si les dirigeants de ce cirque étaient de véritables malfaiteurs, ils s'attaqueraient probablement à une sélection de participants, dans les jours entourant celle de la prestation.
— Estelle. Selon vous, le cirque kidnapperait les participants aux spectacles, ou ceux qui détiennent seulement des tickets ?
— Je serais plus tentée pour dire qu'ils attaqueraient ceux qui ont des tickets. Tout simplement parce que c'est plus facile d'avoir accès aux données personnelles de ceux ayant payé les places. Avec un peu de recherche, ils peuvent trouver pas mal : Nom complet, adresse, situation matrimoniale... je serais la patronne d'une société malveillante, c'est comme ça que je ferais. C'est plus simple. Mais ce n'est qu'une théorie, donc je ne peux pas trop savoir la vérité. Si tu te poses la question pour savoir si on sera kidnappé ou pas, on est mal barrées : on a fait les deux !
La théorie d'Estelle faisait sens. Si le cirque était vraiment impliqué, alors le fait qu'on avait acheté des billets nous mettait en danger. J'allais devoir être vigilante lors des prochains jours. Surtout que le nom d'Estelle y était renseigné dans leur base de données, maintenant.
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Béret Écarlate et le Cirque à Paris
Mystery / ThrillerPour vaincre la Marionnette, une tueuse en série ne commettant jamais ses crimes sans que tout Paris n'en soit les spectateurs, Fabienne doit s'allier avec Dan et résoudre la dernière énigme : Qui est véritablement derrière ces romans policiers gran...