Chapitre 30

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Estelle se sentait tant chavirer par les intentions macabres de la Marionnettiste qu'elle manquait de tomber à plusieurs reprises.

Comment comptait-elle tous les tuer ? Instinctivement, elle toucha le maudit collier attaché à son cou. En réutilisant ces dispositifs sanglants, elle pouvait effectivement causer une tragédie. Mais pour le reste de la population qui n'était pas en otage, Estelle voyait moins comment la Marionnettiste pouvait créer ses actes terroristes.

À moins que...

Les rouages de son cerveau tournaient à plein régime, quand une voix familière l'interpella.

— Hé ! Toi !

Elle se retourna, et vit le rebelle qui l'avait aidée à construire la carte. En l'apercevant, elle souffla un bon coup, et courut le rejoindre.

— Tu tombes bien ! Je viens d'entendre que... !

Estelle, sans comprendre pourquoi ni comment, se retrouva à terre. Elle n'avait rien vu venir et n'y comprenait pas grand-chose.

— Hein, quoi ?

Un petit rire mesquin lui fit comprendre, ou du moins, commencer à comprendre, ce qu'il se tramait.

Son camarade était celui qui l'avait plaquée au sol. C'était aussi lui qui lui maintenait les bras derrière le dos, dans une poigne devant rivaliser avec les athlètes de judo français.

— Mais... je... quoi ? Comment j'ai pu me faire berner ?

Estelle aurait dû se méfier de cet individu. C'était étrange qu'il n'ait jamais partagé la carte à qui que ce soit, ou qu'il traînait constamment tout seul. Normalement, un révolutionnaire faisait toujours en sorte d'inclure le plus de monde dans son équipe. Lui était seul. Personne ne lui parlait et personne ne le calculait.

Qu'elle était bête. La taupe qu'elle tentait tant d'éviter, c'était lui !

— Il n'y en a pas beaucoup des comme toi. D'habitude, celles que la Boss nous ramène sont dociles. Elles ne font pas de vagues. Les menaces de la chef sont suffisantes pour qu'ils nous obéissent aux doigts et à l'œil. Il y a l'autre minorité, qui explose devant tout le monde, figurativement, mais littéralement aussi, à force. Et puis il y a les pernicieuses comme toi. Celles qui ne disent rien, mais qui pensent fort à faire tout péter.

Cette description, c'était elle toute crachée. Elle passait son temps, non, en fait sa vie, à gâcher le plan des autres.

Si le monde pouvait être représenté dans un jeu d'échecs, elle serait une pièce apparue de nulle part, dont personne n'avait entendu parler, et dont personne ne comprenait la fonctionnalité. Elle était une sorte de joker. Comme si un jeu classique disposait d'une pièce en plus ; la pièce du fou, capable d'une grande mobilité, mais à pois.

— Ce n'est pas la première fois qu'on me dit ça, crachait-elle. C'est dingue ça, j'ai jamais l'impression d'être à ma place. Même en étant une otage, vous réussissez encore à me faire sentir comme une outsider. Pourquoi me kidnapper moi et s'en plaindre si vous récupérez les données de vos otages au préalable ? Je suis celle que vous ne voulez pas avoir contre votre équipe.

— Hé. Tu parles, tu parles, mais n'oublie pas que c'est moi qui...

Estelle leva brusquement la jambe et lui frappa le bras avec le bout de ses talons aiguilles ; au final, elle avait bien fait de les ramener.

La taupe rebelle gémit de douleur, avant de renforcer sa poigne.

— Toi, espèce de... !

Des bruits de pas trahissaient la présence d'une deuxième personne, courant vers eux. Elle ne pouvait savoir de qui il s'agissait, car l'angle dans lequel elle était plaquée au sol l'empêchait de bouger sa tête.

Béret Écarlate et le Cirque à ParisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant