Chapitre 38

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Estelle, Beth, Edna et Mégane avaient tout entendu.

Depuis le mur les séparant de la base de contrôle de la Marionnettiste, elles avaient assisté à tout son monologue. Elle ne parlait pas spécialement bas. Elles pouvaient sentir la frustration et la colère monter au fur et à mesure de ses paroles hargneuses. La Marionnettiste était enragée de ne pas voir le Béret arriver ; elles aussi, mais cela ne pouvait pas être pour les mêmes raisons.

Évidemment, le discours de la Marionnettiste les avait choquées. Interloquées. Interrogées. Les filles venaient de constater la cruauté de leur maîtresse, qui était bien décidée à faire passer tout le monde par la même souffrance qu'elle.

Les filles n'en croyaient pas leurs oreilles. Surtout Estelle.

Cette dernière s'était d'ailleurs agenouillée au sol, incapable de rester debout. Le poids des injonctions monstrueuses de la Marionnettiste, ainsi que la promesse de Tragédie, lui avait sapé toute énergie.

— Fabienne... S'il te plaît, viens me chercher.

La rancœur contre sa petite amie était passée. Son mensonge était pardonné. Le seul événement qui lui manquait était son arrivée triomphale dans la base de contrôle de la grande némésis, chevauchant un cheval blanc.

Mais malgré le temps qui passait et les menaces pressantes de la criminelle derrière le mur, rien n'arrivait. Personne n'interrompait son micro, personne ne la mettait hors d'état de nuire. Personne ne les libérait.

C'était trop pour Estelle. Tout ce qu'elle voulait, c'était une pause.

Beaucoup trop d'informations transitaient dans sa tête. Déjà, il y avait l'ordre de tuer. Le collier avait scellé l'ordre de la criminelle, et cet ordre était d'un cruel...

Elle devait, en l'espace de deux dizaines d'heures, mettre fin à la vie de celle qu'elle aimait tant sous peine de perdre sa propre vie.

Et ce n'était pas son cas que d'elle. C'était le cas de toutes les petites mains près d'elle. Chacune d'entre elles était censée jouer un rôle dans cette chasse à l'homme forcée. Seule l'une des filles se trouvait dans le rôle de la chassée et non de la chasseuse : il s'agissait de Mégane.

Elle s'était effondrée à l'annonce de sa mise à mort, et n'était franchement pas dans son assiette depuis. Aucune d'elles ne l'était, c'était sûr, mais au moins, elles avaient le choix sur leurs actions. Si elles mouraient, ce serait de leur choix, dans un sens.

Ce qui n'était pas celui de Mégane. Beth devrait décider qui sacrifier, et Mégane n'avait aucun moyen de l'empêcher de faire quoi que ce soit. À moins qu'elle ne se lève, qu'elle ramasse son fusil, et qu'elle le pointe sur sa sœur. Pour le moment, ce n'est pas le pari qu'avait pris la cible.

Les filles étaient toutes silencieuses, ne faisant que du bruit par l'intermédiaire de sanglots et de prières adressées à diverses divinités.

Que cela s'arrête... que tout s'arrête !

Celle qui sanglotait le plus fort était Mégane. C'était évident.

— J'ai été idiote, dit-elle, en se frappant la tête. Comment pouvais-je croire être en sécurité ?

Toute la colère qu'Estelle possédait pour Mégane n'avait pas disparu. Mais elle devait reconnaître que la jeune fille lui faisait pitié. Et puis, elle n'avait toujours pas eu des excuses.

— Mégane. Tu te rends compte que tu as sacrifié tout le monde ? Tu te rends compte de tout le mal que tu as laissé faire ?

Elle l'observa un instant, avec un regard apeuré.

Béret Écarlate et le Cirque à ParisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant