Chapitre 37

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Les quatre murs de la garde à vue étaient froids, sombres et sales. C'était déroutant de me visualiser, moi, dans un tel endroit. C'était ce à quoi ressemblaient les quotidiens de Dan dans mon esprit, mais pas ce à quoi devaient ressembler les miens.

Moi, je n'avais tué personne, et j'avais passé les derniers jours à tenter d'empêcher les pires crimes. C'était à la Marionnettiste, cette personne fourbe me trompant et s'amusant de me voir souffrir qui devait croupir ici.

Bref, le fait que j'étais enfermée ne m'enchantait guère. Mais ça, ce n'était pas le pire. Le pire, c'était que j'étais menottée, et que je n'avais pas accès à un quelconque écran. Des écrans d'ordinateur et le double de téléphones portables se trouvaient à travers les portes de ma cellule, mais ma captivité m'empêchait d'y accéder.

Je devais absolument vérifier le statut de la vidéo. Le direct se déroulait-il toujours ? Avais-je des chances, aussi minimes soient-elles, de pouvoir arrêter la Tragédie ?

Il s'était passé trop de temps après mon arrêt pour que la chance joue en ma faveur. Je laissai tomber ma tête sur mes bras, me laissant aller à une position défaitiste. Il serait fort improbable que la vidéo de la Marionnettiste ait continué durant tout le long de mon trajet forcé jusqu'au commissariat, mais un mince filet d'espoir, aussi fin qu'un fil de funambule, m'incitait à rechercher le moindre pixel bleu.

Mais il n'y en avait pas entre ces murs sombres. Il n'y avait que mon mince espoir, et moi.

Alors que mon visage était enfoui dans mes bras, un filet de lumière, provenant de l'unique fenêtre de la cellule, parvint à m'éclairer le visage. Cette fenêtre était le dernier bout du monde libre que je venais de quitter.

Derrière ses murs, deux camps s'étaient probablement formés ; ceux qui se réjouissaient de mon arrestation, et ceux qui en étaient dévastés. J'imaginais les journaux parler de mon arrestation en boucle dans les chaînes d'information.

Derrière ses murs, se trouvaient aussi Dan, et Pr Matthias, qui m'avait vu fuir pour chercher Mégane et les autres.

Mégane, Estelle, et le reste des otages... ils étaient également dehors, à m'attendre. Avaient-ils espéré, pendant la dernière diffusion, que je monte sur la tour Eiffel et que je les libère tous ? Avaient-ils été déçus de moi et de mon incompétence à le faire ?

Qu'en avait pensé Estelle ? Et qu'en était-il des proches des otages qui attendaient une réponse sur le sort de leurs familles ? Personne ne leur répondait. Personne ne leur donnait une raison valable à leurs souffrances.

— Pardon. Pardon à tous...

J'étais là, à me morfondre, menottes sur les poignets. Je ne pouvais rien faire de moi-même pour apaiser le cœur des dévastés : ils devraient assister, tout comme moi, à ce que la Marionnettiste appelait la Tragédie.

— Je suis tellement désolée. Je ne voulais pas ça...

Mais qu'est-ce que c'était, ça ? À quoi cela faisait référence ? Ça devait être assez puissant pour atteindre tout Paris. La Marionnettiste ne comptait tout de même pas faire des douze millions d'habitants des victimes, tout de même ! Mon cerveau imagina les pires sévices possibles : bombes, attentats multiples, terrorisme biologique ? Les possibilités étaient infinies, et je n'aimais pas du tout vers quoi tout cela tendait.

Je restais donc dans mon coin à me morfondre sur les multiples possibilités morbides capables d'arriver, jusqu'à ce que la loge s'ouvrît sur des locaux illuminés à la lumière artificielle, bien différente du doux éclat de la fenêtre. Le bruit me sortit de mes ruminations, et je levais brusquement la tête. Deux policiers entouraient un inspecteur dont le visage m'était familier. Je l'avais vu dans des conditions similaires à celles-ci, à la différence qu'au moment où je l'avais croisé, il était accompagné d'un enquêteur méfiant.

Béret Écarlate et le Cirque à ParisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant