Béret Écarlate et le Cirque à Paris

Chapitre 27

Tic-tac. Tic-tac.

Les aiguilles de l'horloge hurlaient l'heure sans fin : trois heures du matin. Chaque seconde qu'il restait éveillé, chaque tic-tac de plus résonnant dans la chambre augmentait son agacement. Romain ne s'entendait plus penser. Il se boucha les oreilles, ferma les yeux avec plus de force qu'il ne le faisait déjà, avant de se retourner dans son lit et de se mettre sur le côté.

Malheureusement pour lui, fermer les paupières n'équivalait pas à débrancher la télévision de la conscience ; sur l'écran de ses paupières se jouait l'un des films les plus atroces qu'il lui était donné de voir.

Les otages perdant la vie de façon toute plus horrible les unes que les autres. La kidnappée la plus récente qui devait subir des sévices innommables. La peur sévissant dans Paris.

Ils en avaient vu, pourtant, des horreurs. Mais à un tel degré, et diffusé à autant de personnes, non, jamais. Il en avait été préservé.

C'était peut-être pourquoi son supérieur était autant irritant et irrité ; au fil des expériences et des missions, il devait en avoir bavé, auprès de criminels à la créativité barbare. Avait-il le choix d'être la personne désagréable qu'il était devenu, quand des films d'horreur jouaient probablement non-stop dans sa tête ? Romain finirait par avoir une calvitie précoce, comme lui.

Dans la séance de cinéma infinie de cette nuit, le producteur avait décidé de lui montrer la petite Fabienne, cette jeune femme déjà brisée à un si jeune âge. Romain l'avait tant suspectée, pourtant. C'était étrange, comme il s'était pris d'affection et de pitié pour la petite. Mais, quelque chose en lui lui murmurait qu'il avait toujours ressenti ces sentiments envers la jeune héroïne. Et que c'était probablement pour ça qu'il la suspectait avec autant de ferveur. C'était comme s'il désirait que l'histoire du Béret Écarlate, tel que narré dans les romans de Gina, soit fausse, qu'il désirait que personne ne soit passé par ces tribulations inhumaines. Malheureusement, ses suspicions s'effritaient d'heure en heure.

Il fallait se rendre à l'évidence : cette jeune femme avait réellement subi les agressions qu'elle prétendait avoir subies. La dernière en date, et la plus douloureuse était la disparition de celle qui semblait être son amoureuse.

Romain n'avait pas pu s'empêcher de prendre en pitié la jeune fille et d'essayer de résoudre l'énigme de la Marionnettiste. Tout ça pour elle. Il avait un cœur, après tout. Lui, plus que tout le reste du monde pouvait comprendre ce que cela faisait de s'inquiéter pour un être cher. Romain était certain que Fabienne aurait préféré mille fois se faire tirer à bout portant, plutôt que de perdre sa Estelle.

Ah... mais il ne faisait que penser, penser et encore penser. Rien qui puisse l'aider à trouver le sommeil.

Romain se résolut à ouvrir les yeux. Tant pis pour les sept heures de repos. Le métier ne le laisserait pas récupérer.

D'un geste nonchalant, il arracha la couverture et enfila ses chaussons. Il entra dans son salon, poussa l'interrupteur sans s'y préparer, et laissa l'agression lumineuse achever d'ouvrir ses yeux.

Il se gratta sous la chemise en allumant sa cafetière. Il savait que ce n'était ni l'heure ni le moment. Mais c'était déjà foutu pour cette nuit : autant se réveiller complètement et réaliser quelque chose de productif d'ici le lever du soleil.

Il tomba sur ses notes situées sur le comptoir de la cuisine, tachées de marc de café, souvenir d'une fin de soirée passée à tenter de percer les secrets de la Clown.

Il gloussa.

— Et c'est moi qui me demande pourquoi je ne dors pas ?

Il reprit ses notes, comprises de ratures, de chiffres et de lettres entourées furieusement au stylo noir, et de suite de numéros sans queue ni tête écrits avec la subtilité et le raffinement d'un médecin traitant.