Chapitre 24

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Dan m'avait secouée et secouée, espérant faire partir la partie de moi qui ne souhaitait faire rien d'autre que de m'effondrer au sol et pleurer la perte d'Estelle, de la femme de ma vie, de mon tout, de...

Dan me remit une claque et j'arrêtais de penser. Pendant un petit instant seulement.

— Hé, vous en faites bien plus que nécessaire, là, non ? Avouez que ça vous fait plaisir de me frapper.

— Je ne vais pas le nier. Il faut bien que je me venge un peu de toi, non ? Ou bien tu préfères que je te remercie de m'avoir placé en taule ? Tu ne t'imagines même pas à quel point c'était frustrant d'avoir perdu la guerre à un cheveu de la victoire. J'en suis toujours sidéré. Si tu as gagné, c'était grâce à Estelle, et seulement grâce à elle. J'espère que tu es au courant ?

Il me lâcha le col, et me laissa choir avec la sensation de picotement sur mes deux joues. Elles devaient avoir l'air toutes rouges sur ma peau pâle. Mince alors, il ne m'avait pas raté !

J'essuyais mes larmes et ma morve avec le manche de ma veste, sans aucune élégance à la gentleman. Je n'avais plus les ressources mentales pour me comporter dignement, de toute façon. Et puis, qui allais-je impressionner ? La seule à qui je faisais de l'effet venait de disparaître.

— C'est bon, tu souffles un peu ?

Je pris de grandes inspirations, une nouvelle fois.

Inspire...

Expire...

Encore une fois.

Inspire...

Expire...

Oui. Je soufflais. C'était pas la joie ni la forme extrême, mais ça allait le faire. Enfin, j'essayais d'y croire.

Dan approcha de nouveau son bras de moi. Peut-être pour me frapper, encore ? Je ne bougeais pas et attendis la sentence. Lorsqu'elle vint, elle ne s'accompagna pas de douleur ; à la place, elle prenait forme sous une caresse de mon bas du dos. Le geste de tendresse me toucha. Je fis de mon mieux pour me garder un soupçon de contenance et ne pas m'effondrer de nouveau, là, maintenant, tout de suite.

— Je suis désolé de ce qu'il t'arrive, Fabienne. On va faire le maximum pour accélérer l'enquête et la retrouver. Mais pour ça, j'ai besoin que tu donnes à fond. J'ai besoin de ton don, comme tu as besoin du moins. Ensemble, nous sommes plus forts, n'est-ce pas ? Je veux t'entendre le répéter.

— Oui, commençai-je, tout en acquiesçant. Ensemble, nous sommes plus forts.

— Parfait. Maintenant, tu vas me dire exactement ce qu'il s'est passé.

Je lui dis tout. Je lui parlais de notre escapade au cirque, de notre dispute pendant le spectacle, je lui parlais même de la jeune fille qui présentait et qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à celle de la vidéo...

Je lui parlais de la fuite d'Estelle, de moi qui avais couru dans tout Paris pour la retrouver, et de l'aide de passants qui prétendaient tous l'avoir vu, étrangement. Je lui parlais de la ruelle, et de la bague que j'ai retrouvée seule, et de cette horrible feuille de papier que j'avais jeté par terre dès que j'en avais lu le contenu macabre.

C'était notamment ce détail qui l'avait interpellé le plus.

— La règle de Van Dine ? Celle où il prend position contre les sous-intrigues romantiques dans les romans policiers ?

J'acquiesçai.

— Je ne sais même pas ce qu'elle a voulu dire avec le message. Est-ce un rappel à l'ordre ? Le signe que je dois me concentrer sur l'enquête, et seulement l'enquête ? Est-ce un jeu pour elle, une simple référence faite pour me narguer et me faire du mal en frappant cette brûlure faite au fer rouge ? Est-ce qu'elle s'appuie sur des traumatismes que j'ai vécus ? Est-ce qu'elle trouve ça drôle ?

Béret Écarlate et le Cirque à ParisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant