Chapitre 6 : Elle me dit que je suis belle

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La semaine s'achevait enfin. Le samedi était sans nul doute le jour le plus difficile de la semaine, mais il annonçait également la fin des hostilités et était accueilli avec soulagement par les équipes. Andréa trouvait doucement ses marques. Elle appréhendait les personnalités et les habitudes de chacun. Elle ne se perdait plus aussi longtemps dans les réserves et arrivait à apprivoiser les clientes aux demandes les plus complexes. Elle gagnait pas à pas le respect de l'équipe sans les brusquer pour autant. Elle calquait son attitude sur celle de sa binôme afin de gagner leur confiance en douceur. En l'observant, Emy avait pu remarquer qu'elle n'avait rien en commun avec ces pimbêches de Saint-Georges ou ces binômes bancals qu'on lui avait envoyé jusqu'ici. Elle était compétente, tenace et sa douceur s'était avérée être un atout auprès des vendeurs comme des clients. Après une semaine de formation, Emy et Andréa allaient recevoir des horaires différents, se complétant la majeure partie du temps. Assise sur la table de la salle de pause, Emy étudiait le planning de la semaine à venir.

— Y'a des chaises, tu sais ?

— Salut tata, répondit-elle en se levant pour rejoindre une assise ordinaire.

— Tu vas retrouver ta tranquillité, reprit Mona en pointant du doigt le planning. Sam a fait en sorte de vous différencier le plus possible pour qu'Andréa se fasse sa place.

— J'ai vu.

La réponse courte et sèche de sa collègue rendit Mona perplexe.

— Tu fais la tête ?

— Non, non.

— Quoi alors ?

— Comment ça quoi ?

— Tu fais la tronche, ne me prends pas pour une andouille. Qu'est-ce qui te tracasse ?

— Rien, c'est juste... Je me suis habituée à ma « non-tranquillité ».

— Je vois, et par « non-tranquillité » tu veux dire Andréa ?

Emy se retourna subitement vers Mona en grimaçant de surprise. Sa directrice adjointe prit une moue d'indifférence qu'elle ne connaissait que trop bien.

— Je n'ai pas dit ça ! s'offusqua-t-elle.

— Pourquoi tu t'énerves, alors ?

­— Je ne m'énerve pas, reprit Emy en s'efforçant de baisser un ton.

— Avoue que tu l'aimes bien, continua Mona sans ménagement. Ça reste entre nous, promis !

— Je n'avouerais rien du tout, car il n'y a rien à avouer.

— C'est ça, reste dans ton déni !

— Tu me fatigues, tata !

— Je te connais, et je sais quand quelqu'un trouve grâce à tes yeux.

— N'importe quoi, je ne la connais même pas, souffla Emy agacée. Elle est très belle, même incroyablement belle, je te l'accorde, mais je ne connais rien d'elle et la beauté ça ne suffit pas.

— Je parlais de travail, s'amusa Mona. Mais puisque tu abordes le sujet... Elle qui pensait qu'elle n'était pas à ton goût, elle serait sûrement ravie de ta réponse !

— Quoi, qu'est-ce que...

L'ouverture de la porte stoppa les interrogations de la jeune femme. Andréa entra dans la salle de repos avec élégance. Lors des échanges de politesse d'usage, Emy ne put s'empêcher de laisser courir son regard sur les longues jambes d'Andréa. Elle semblait sortir d'un film des années mille neuf cent cinquante. Elle portait une longue robe bleu marine à pois blanc fendue à l'avant, cintrée par une large ceinture de cuir caramel. Elle masquait partiellement ses courbes d'un long manteau en laine noir. Afin de faire distraction et faire disparaître son trouble par la même occasion, Emy commença à la charrier.

Elle est faite de la même matière que les rêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant