Les rues pavées du cœur de Saint-Georges étaient vides. Les effluves de parfums floraux embaumaient les artères de la cité d'une robe printanière. Les cerisiers se paraient de rose, sur le pourtour de la grande place Henry Méliès. Les pigeons roucoulaient comme à leur habitude, perchés sur les gargouilles de la cathédrale Saint-Louis, battant des ailes pour séduire ses congénères. Le soleil perdait en altitude et noyait les nuages de nuances rosées et orangées. Emily était occupée à observer le monstre de pierre datant du Moyen-Âge. Elle s'aperçut alors que sa dulcinée avait déjà bien avancé et était assise sur le rebord de la fontaine de la place. Elle la rejoignit en trottinant, s'appliquant à la faire sourire avec une fausse chute à son arrivée.
— Ce que tu es sotte, souffla Andréa en l'attirant à ses côtés.
Emily s'assit à sa droite et accueillit la tête de la jeune femme sur son épaule.
— Si je pouvais figer cet instant je le ferais sans réfléchir, dit Emily en observant les lieux.
Andréa lui prit la main et se redressa avant de lui répondre :
— Et si ce rêve était possible, comment imaginerais-tu cela ? Nous vivrons éternellement ensemble telles des vampires ? Nous devrions quitter notre demeure à mesure que le temps passe pour ne pas paraître suspectes ?
Emily s'esclaffa.
— Ah non, non, non ! C'est un horrible rêve que tu me dépeins là, ma douce ! Nous verrions tous tes proches mourir les uns après les autres. Nous ne pourrions pas nous lier d'amitié. Rien de tout cela. ? Ce serait HO-RRI-BLE ! articula-t-elle.
Andréa échappa un rire clair et sonore avant d'interroger son amie.
— Alors comment s'y prendrait-on ? Raconte-moi.
— Et bien, nous pourrions nous retrouver dans une nouvelle vie à chaque fois. Qu'en penses-tu ?
— Hmm, pourquoi pas. Mais nous serions toujours les mêmes ?
— Oui, toi, Andréa Cartier et moi Emily Devillier. Juste dans une autre dimension, à une autre époque, dans un autre monde, quoi ! s'emballa la jeune femme. De cette façon ce serait impossible de vivre deux fois la même vie ! Et puis qui sait, peut-être qu'il existe un monde où Saint-Georges et Bâton-Rouge ne sont pas ennemies.
— Tu es pleine d'imagination. Comment se fait-il que tu ne sois que palefrenière ?
— Je suis Batteuse, cela suffit à répondre à ta question, Milady.
— Il est vrai que cela n'aide pas, souffla tristement Andréa. D'accord. Si nous partons de ce principe, est-ce que l'on se souviendrait l'une de l'autre ?
Andréa rentrait dans son jeu. Elles plaisantèrent ainsi à peaufiner les détails de cette éventualité d'éternité utopique.
— Pas dans l'immédiat, ce ne serait pas amusant. Seulement à notre vingt-troisième anniversaire ! Paf, nous nous remémorons toutes nos vies antérieures !
— Cela n'a aucun sens ! Tu dis cela uniquement parce que c'est ton anniversaire aujourd'hui, petite maligne ! s'esbaudit Andréa en la bousculant.
— Ce n'est pas faux, admit la jeune femme.
— Mais cela voudrait dire que je me souviendrais de toi avant que tu puisses de te remémorer mon existence.
— Exact. Mais comme ça tu pourras me retrouver et me séduire éternellement. N'est-ce pas merveilleux ?
— Merveilleux pour toi, tu n'auras rien d'autre à faire que patienter dans l'ignorance ! C'est moi qui vais devoir sortir les rames de nouveau !
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Elle est faite de la même matière que les rêves
Storie d'amoreÀ vingt-deux ans, Emy vit à Bâton-Rouge ville rivale de Saint-Georges. Sa vie bascule à la suite de la maladie dégénérative de sa mère, la forçant à abandonner ses rêves d'archéologie et à se consacrer à un emploi alimentaire pour subvenir à leurs b...