Suivre L'envol Des Papillons

20

Teresa marchait dans les rues animées du matin. L'orage de la veille avait rafraîchit l'atmosphère et remplit l'air d'une humidité si épaisse que ses mains moites collaient à la anse de ses seaux. Elle s'approcha de la fontaine. Seules quelques femmes étaient devant elle. Elle n'aurait pas à attendre longtemps. De toute manière, elle n'était pas pressée. L'eau coulait et la pompe grinçait. C'était le bruit habituel des femmes qui puisaient l'eau.
— Teresa !
Elle avait reconnu la voix. Elle se retourna.
— Bonjour Paulo…
Ça se voyait : il n'avait pas dormi. Ses yeux étaient encore enflés d'avoir pleuré.
— Tu…
— Oui mon frère m'a dit…
Paulo serra les poings.
— Ouais ton frère ! Celui qui m'a écrasé contre le mur !
— Pardon Paulo…
— T'as pas à t'excuser pour lui !
— Paulo… je suis désolée…
Elle avait parlé calmement, ses yeux dans les siens. Elle était sincère. Ça résonnait dans sa voix.
Paulo détourna la tête pour cacher son visage. Elle avança un peu dans la file mais il lui attrapa l'épaule comme si elle allait s'échapper.
— Teresa, c'est pas lui qui a mis le feu !
— Paulo, tu veux pas qu'on en reparle plus tard, quand ça ira mieux…
Elle posa son seau et commença à pomper.
— Je te promets, il n'a rien fait ! C'est pas lui !
— Ça ne changerait rien entre nous Paulo…
— Teresa !
Il venait de poser sa main sur le manche de la pompe. Teresa s'arrêta et le regarda de ses yeux sombres.
— Je te jure que c'est vrai ! Je te le jure sur notre amour ! Ça se voyait qu'il était innocent ! Je l'ai vu ! Je le connais Teresa ! Après ma mère, je suis celui qui le connais le mieux dans cette maison ! Tu vois vraiment mon frère mettre le feu ? Tu vois mon frère se venger ?
Teresa s'essuya les mains sur son tablier.
— Non Paulo… tu as raison… J'arrive pas à me l’imaginer…
Le manche se remit à grincer et l'eau à couler.
— Mais si c'est pas lui, c'est qui ?
Paulo s'assit sur le muret.
— Il le savait… j'en suis sûr, il le savait ! Mais il a pas voulu le dire…
— Étrange…
Paulo se releva d'un bond.
— Oh pardon ! Tu veux que je t'aide ?
Teresa sourit. Elle avait retrouvé le Paulo qu'elle connaissait.
— Non t'en fais pas. J'ai presque fini.
Mais il lui arracha le manche des mains. Elle recula un peu et le regarda faire. En quelques secondes les seaux furent remplis.
— Moi aussi je t'aiderai…
— Quoi ?
Paulo se releva.
— Je t'aiderai à savoir qui c'était.
Un large sourire se dessina sur son visage. C'était la Teresa qu'il aimait. Forte et douce à la fois.
— D'ailleurs, finalement, j'ai encore rien dit à mes parents…
— Je me doute, oui ! fit-elle en riant.
Puis reprenant son sérieux :
— Attends un peu que ça se calme.
Paulo ne répondit pas. Il attrapa les seaux et lui donnant son bras :
— Viens, je te raccompagne chez toi.

Linda se retourna. Elle sursauta. Il était entré sans un bruit. 
— Oh Paulo ! Tu m'as fait peur !
Il sourit timidement.
— Paulo ? Ça va ?
— J'ai quelque chose à vous dire.
Diego, qui tentait en vain de recoller les morceaux de l'harmonica, releva la tête. Il n'y avait pas un bruit dans la pièce, pas même le tic-tac d'une horloge et le silence se faisait lourd. Comme toujours Linda était debout, entre le père et le fils. Mais cette fois, Paulo n'avait pas peur.
— Je vais me marier.
Sa voix était calme et pleine d'assurance.
— Avec Teresa Garcia.
Puis regardant son père :
— Que vous le vouliez ou non.
Et sans attendre la moindre approbation, ni opposition, il quitta la pièce, calmement, silencieusement, comme il y était entré. Il était fier de lui. Et même si Carlos n'avait pas pu être là avec lui, il savait que c'était grâce au courage de son frère la veille, qu'il avait surmonté sa peur aujourd'hui.
Paulo était sous le porche. Il allait quitter la maison quand il entendit la porte claquer derrière lui. C'était sa mère.
— Paulo ! Attends !
Elle lui prit la main et lui sourit. Des larmes coulaient sur son visage. Des larmes de tristesse et des larmes de joie. Il la prit dans ses bras. Carlos n'était plus là. Alors c'était à lui maintenant de prendre soin de leur maman.