Suivre L'envol Des Papillons

15

Carlos et Enrique traversaient à présent la Pennsylvanie. Ils traversaient même, plus exactement, l'un de ces ponts de bois couverts qui ressemble à des arches miniatures et qui peuplent l'Amérique. Celui-ci était rouge et blanc. Il surplombait une petite rivière calme et tranquille. Carlos était appuyé sur l'une des ouvertures et regardait entre les poutres, l'eau qui coulait. Enrique, lui, était assis sur le plancher, le dos contre la parois, les jambes repliées pour former un appuie sur lequel reposait le carnet. Il dessinait.
— Carlos, y' a plus de place.
— Comment ça y' a plus de place ?
— J'ai rejoint tes dessins.
Carlos se retourna.
— Il reste peut-être des blancs à certains endroits.
Enrique fit défiler les pages noircies d'encre et de crayon de couleur.
— Bon d'accord, on en achètera un autre.
Carlos reprit sa contemplation de la rivière mais il sentait le regard insistant du garçon encore posé sur lui.
— Qu'est-ce qu'il y a ?
Enrique lui tendit le carnet.
— Regarde, ton dernier dessin c'était un enfant, alors moi sur la page d'à côté j'ai dessiné un monsieur avec un chapeau. Comme ça c'est toi et moi.
Carlos s'assit à côté d'Enrique et esquissa, de quelques coups de crayons, trois ou quatre petits papillons orangés.
— Voilà, comme ça c'est vraiment toi et moi.
Finalement, le temps que le carnet se remplisse, c'était le temps qu'il avait fallu pour qu'ils s'adoptent vraiment. Le temps d'un long voyage à travers l'Amérique tout avait changé. Ils n'étaient plus l'étranger et l'orphelin. Ils étaient…
— Carlos, est-ce que Senhor Borboleta il est comme toi ?
— Il est bien mieux que moi.
— Alors il doit être exceptionnel.
— Mais toi aussi tu es exceptionnel Enrique.
Silence. Enrique se leva et regarda vers la rivière. Carlos avait fait comme lui. Ils restèrent là de longues minutes, bercés par le bruit de l'eau qui glissait sur les cailloux.
— Dis Carlos, est-ce que je peux t'appeler papá ?
Carlos ouvrit son bras et Enrique se blottit contre lui. Ça voulait dire oui.