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Ça brûle.

Je peux pas bouger, et ça brûle.

Ces deux derniers mots explosèrent dans l'esprit de Séra, aussi cuisants que du métal en fusion, alors qu'elle luttait pour reprendre possession de ses sens et essayer de comprendre ce qui lui arrivait. Mais la douleur ne cessait d'augmenter, se propageant d'un point derrière sa nuque jusque dans toutes ses extrémités. Elle ne pouvait penser à rien d'autre qu'à la sensation de son sang en train de bouillir dans ses veines.

Les râles qui avaient commencés à sortir de sa bouche se transformèrent en cris lorsque l'effroyable brûlure augmenta encore d'intensité, et c'est à peine si elle distingua d'autres voix que l'écho de la sienne en tentant de remplir ses poumons pour hurler encore. Même l'air lui sembla fait de flammes quand il gonfla ses bronches, alors que son corps était agité de spasmes incontrôlables.

Elle ne voyait rien. Mais à travers la chape de souffrance qui l'écrasait, elle sentait malgré tout que quelqu'un se trouvait près d'elle. Un homme.

Lui aussi était en train de crier.

— Plus de sédatifs, vite !!

Ce fut la dernière chose qu'elle entendit avant de retourner dans l'obscurité profonde d'où sa conscience était sortie. Sans vraiment savoir si la douleur cessait, ou au contraire, dépassait ses limites. Sans son ni lumière. Sans notion du temps non plus.

Elle émergea à nouveau un battement de cœur plus tard, le premier de son existence peut-être. En tout cas, c'était l'impression qu'elle en avait. Ses sourcils tremblèrent avant même que ses yeux ne tentent de s'ouvrir, manifestant sa surprise de ne plus ressentir aucune sensation de brûlure. Elle devinait qu'elle était allongée dans un lit, et le bip bip régulier de machines qui emplissait la pièce lui faisait penser à un hôpital. Mais ses paupières refusaient de bouger. Incapable d'étudier son environnement en l'état, elle retourna à son examen interne, en crispant les sourcils encore un peu plus. La douleur était partie, mais quelque chose n'allait pas.


Sa respiration était plus lente et plus profonde qu'elle n'aurait dû. Son cœur aussi battait trop lentement. Et si l'impression de flamber de l'intérieur avait disparu, la jeune femme sentait sa température corporelle anormalement élevée, au point de projeter une bulle tangible de chaleur autour d'elle. Tout était étrange, et en même temps, elle allait merveilleusement bien.

Ça n'avait aucun sens.

Poussée par la curiosité, elle essaya encore une fois ne serait-ce que de battre des cils, mais un réflexe inexpliqué lui fit refermer ses yeux presque entrouverts. Un instant plus tard, des bruits de pas étouffés parvinrent à ses oreilles, pour s'arrêter à quelques mètres d'elle. Puis des voix, une masculine et une féminine, qu'elle entendait très clairement cette fois, commencèrent à discuter. Elle devinait que leurs propriétaires se trouvaient de l'autre côté d'un mur. Pourtant elle percevait parfaitement les vibrations de leurs cordes vocales, ajoutant ainsi un nouveau symptôme bizarre à la liste qu'elle se constituait mentalement.

—... On la garde endormie encore quelques heures le temps de faire les prélèvements, et ensuite on lui fera passer les tests psychomoteurs, disait l'homme, qu'elle reconnut comme étant celui qui avait réclamé les sédatifs.

— Et s'ils sont concluants ? Que fait-on d'elle, ensuite ? Demanda la femme.

— S'il sont concluants, elle sera la première dont le corps ait jamais accepté la nanotechnologie. Son décès a déjà été annoncé à ses parents. Elle restera, tant que je jugerais sa participation utile au projet.

Mon décès..?

Toutes ces paroles formaient un magma incompréhensible pour Séra, malgré l'amertume de la trahison qu'elles faisaient vaguement naître en elle. Mais des souvenirs flous rôdaient à la lisière de son esprit, devenaient de plus en plus clairs, reconstituaient petit à petit ce qu'avait été sa vie, avant. Et elle sentait, ou au moins espérait, que tout ça deviendrait logique. En attendant, son instinct de conservation la poussait à simuler un sommeil profond. Ce qu'elle s'appliqua à faire même en entendant une porte s'ouvrir, puis se refermer.

Son visage ne bougea pas d'un millimètre quand elle sentit une aiguille percer la fine peau à l'intérieur de son coude droit, sans doute pour une prise de sang. Et elle se laissa manipuler comme une marionnette lorsque des doigts gantés tirèrent sur sa lèvre inférieure, pour y passer ce qui ressemblait à un coton de tige, lui laissant un goût acre de latex.

— Ses constantes sont vraiment extraordinaires, murmura la femme, comme si elle se parlait à elle-même.

Séra discerna ensuite deux petits claquements et un bruissement, vraisemblablement le bruit d'une personne retirant des gants en caoutchouc avant de les jeter dans une poubelle, et la voix masculine répondit.

— Oui, c'est plutôt inattendu mais ses capacités physiques ont été exponentiellement améliorées par l'opération. Son corps semble fonctionner comme celui d'un athlète de très haut niveau même en période de sommeil.. Les tests vont nous servir à mesurer à quel point.

C'est donc ça...

La courte phrase avait le mérite de fournir un semblant d'explication à ses étranges rythmes pulmonaires et cardiaques, mais il lui en fallait plus. Même si son sentiment grandissant de malaise lui donnait envie de se lever et de s'enfuir, là, tout de suite. Un besoin impérieux qui commençait à fourmiller dans ses jambes, dissonant avec sa mémoire encore éparse qui lui soufflait qu'elles auraient dû être inertes.

Prudente, elle décida de continuer à écouter encore un peu, tant que personne ne soupçonnait rien. Cependant, repousser l'échéance n'empêchait pas une seule chose d'être d'ores et déjà claire pour elle.

Elle devait fuir cet endroit à tout prix.

|🎶 8 Graves - Burning Alive 🎶|

Nano.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant