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Après l'appel de Virgile et Astrid, Dante s'était convaincu que le mieux à faire était de se reposer un peu tant qu'ils le pouvaient, en dépit de son stress qui montait de plus en plus à mesure que l'heure de débarquer arrivait.

Lui et Séra s'étaient changés, un moment qui avait au moins eu le mérite de diriger ses nerfs sur autre chose même s'il avait pris grand soin de ne pas la regarder. Puis ils avaient remballé leurs affaires et il vérifia pour la millième fois la présence du shocker électrique camouflé en lampe torche dans sa poche arrière, son poids le rassurant un peu. Virgile avait pris soin de leur fournir toute une panoplie de ce genre de gadgets qui se trouvaient apparemment très facilement sur le net, sa partenaire ayant pris le parti de transporter plutôt des grenades lacrymo sous forme de petits aérosols de voyage.

— Ça va aller ?

La voix de Séra le sorti de ses réflexions, et il fit de son mieux pour avoir l'air sûr de lui lorsqu'il acquiesça. Il lui avait promis de ne pas être un boulet, alors il comptait bien s'y tenir.

— Ouai, ça devrait si on se mélange à la foule, laisse moi faire.

Pour le moment leur plan était limpide, ils fallait juste qu'ils arrivent en un seul morceau dans l'un des hôtels de la liste qu'ils avaient préparée en amont afin d'en changer régulièrement. Là ils recevraient les dernières nouvelles de Virgile, et ensuite commenceraient à ratisser les points de rencontre probable avec le fameux Ayden Davis. Après ça ils n'auraient plus qu'à le convaincre de leur donner ses infos sur le Dr. Isaac, ou bien à l'y forcer s'il ne coopérait pas.

Cette partie du plan ne plaisait pas beaucoup à Séra, et à lui non plus d'ailleurs, mais ils comptaient sur une simple démonstration de force surhumaine pour parvenir à leur fins sans trop d'encombres.

Après avoir vérifié une dernière fois que tout était prêt, Dante enfila casquette et capuche et poussa la porte de leur cabine pour s'engager dans la coursive, la main de Séra brûlante contre la sienne dans l'air froid et humide du début de soirée. Ils suivirent le flot de voyageurs jusqu'à ce qu'il repère deux femmes assez jeunes, flanquées comme eux de sacs à dos, le grand brun se composant un visage amical malgré sa nervosité juste avant de bousculer la plus proche.

— Oh pardon, je suis vraiment désolé ! S'exclama-t-il en rattrapant la jeune femme, une blonde coiffée en queue de cheval qui n'était guère plus grande que Séra.

Aussitôt radoucie par son sourire contrit, elle s'empressa de secouer la tête pour le rassurer :

— Y'a pas de mal, ça arrive. Vous êtes venus randonner sur l'île vous aussi ? Ajouta-t-elle en remarquant leur équipement.

— C'est tout à fait ça, vous avez l'œil. Moi c'est Alex, et je vous présente mon amie Delilah. Pour tout vous avouer... On est un peu partis sur un coup de tête, vous auriez pas quelques recommandations de circuit à nous donner ?

— Christine, et ma soeur Sophie. Si bien sûr, justement on pensait faire celui de Peel Castle demain, vous pourriez-

Il n'eût aucun mal à alimenter la conversation tout le temps que dura leur descente de bateau, usant de tout son charme et poussant l'immersion jusqu'à consulter avec "Delilah" la carte proposée par les deux randonneuses avant de leur promettre de les retrouver le lendemain de l'autre côté de l'île. Puis ils profitèrent de l'arrivée d'une horde de bus pour se séparer des sœurs et monter dans l'un d'eux, après qu'il les ait saluées comme s'ils se connaissaient depuis plus de quinze minutes.

— J'ai pensé qu'un groupe de quatre ça aurait l'air moins suspect si quelqu'un nous observait, se justifia-t-il juste après le démarrage du chauffeur, en remarquant le regard incrédule de Séra.

— C'était une très bonne idée, d'ailleurs je suis impressionnée.

— Ah bon ?

— Oui, il t'as fallu moins de dix secondes pour faire connaissance avec des gens que t'avais jamais vus et cinq minutes plus tard vous étiez meilleurs amis. J'aurais été incapable de faire ça.

Elle avait réellement l'air impressionnée, pourtant le compliment l'embêta un peu. Mais ils devaient descendre alors il attendit qu'ils aient rebroussé une partie du chemin pour rejoindre leur hôtel - un petit établissement à la décoration bourrée de références celtiques - fait leur check-in et enfin déposé leurs affaires dans leur chambre pour la nuit, avant de l'arrêter alors qu'elle s'apprêtait à rappeler le hacker.

— Tout à l'heure, au bateau avec ces filles.. C'était de la comédie tu sais, commença-t-il en s'asseyant en face d'elle, dans l'un des deux immenses fauteuils en velours rondouillards bordant le mur opposé à leur lit.

— Je sais. Mais je veux bien que tu m'expliques pourquoi t'as besoin de me le préciser, t'as pas l'air dans ton assiette depuis un moment, lui opposa-t-elle en remontant ses jambes pour s'asseoir en tailleur dans le sien.

Il se sentait un peu idiot maintenant, surtout en entendant la pointe d'inquiétude dans sa voix, mais il avoua tout de même :

— Parce que j'avais peur que tu penses que j'ai l'habitude de me coller à la première inconnue qui passe. Que tu penses que c'est ce que j'ai fait, avec toi.

— Et c'est pas le cas ?

— Non ! Je veux dire, bien sûr que j'avais envie de faire connaissance avec toi mais c'était différent... Bref, c'est stupide, on devrait faire le débrief avec Vivi.

Appuyer sa main sur sa nuque ne l'aidait pas à exorciser la gêne qu'il ressentait, c'est pourquoi il avait essayé de rapidement passer à autre chose, mais sans surprise sa stratégie tomba à l'eau.

— Dante...

Il senti son regard et se força à le croiser, non sans avoir perdu le maximum de temps possible à suivre des yeux le motif écossais du plaid posé sur son accoudoir.

— Je vais être honnête avec toi, reprit-elle sérieusement, quand je t'ai vu avec elles, ça m'a rendue jalouse-

— Séra je-

— Non attends, c'était de toi que j'étais jalouse, et à vrai dire c'était pas la première fois. Quand je vois le don que t'as avec les gens, comment tout ça ça te vient si facilement contrairement à moi, je t'envie. Et j'ai aussi un peu l'impression d'avoir volé un ticket de loto gagnant à un clochard.

—.. L'image est bizarre, mais je suis flatté, avoua-t-il, reprenant un peu du poil de la bête.

— Tant mieux. Je sais que j'ai pas toujours été très claire avec toi, et je suis pas aussi démonstrative non plus. Mais, je veux pas que tu penses que je prend tout ce que t'as fait pour moi assez à la légère pour que quelque chose comme ça me fasse douter.

Pour le coup Dante trouva que c'était plutôt clair, mais il s'efforça de contenir l'élan d'affection qui venait de le traverser au moins le temps de faire amende honorable, même s'il sentait ses commissures se relever d'elles-mêmes.

— D'accord. Je suis désolé.

— Mytho, t'es bien plus content de ce que je viens de te dire que t'es désolé, s'amusa-t-elle en remarquant son expression ravie.

— Touché, tu vois t'es pas si mauvaise avec les gens !

Croiser son regard n'était plus si difficile, il se plongea même volontairement dedans encore un peu tandis qu'elle lui renvoyait son sourire.

— On devrais vraiment appeler Virgile, il va nous déglinguer sinon, finit-elle par dire, sortant le jeune homme de sa contemplation.

— T'as raison... Si tu lui dis que c'est à cause de moi qu'on a traîné, je nierais tout.

Tout en parlant il lui fit signe de le rejoindre dans son fauteuil, ce qu'elle n'hésita pas à faire, s'installant aussi confortablement que possible sur ses genoux tout en lançant l'appel.

— Quel homme scandaleux. Mais t'en fais pas, moi non plus je suis pas une balance.

Nano.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant