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Immobile dans le noir, Séra ressassait, encore et encore, l'enregistrement rapporté par Irène et Mona.

À vue de nez il devait être aux alentours de trois heures du matin, mais son téléphone était trop loin pour qu'elle puisse vérifier. Les battements lents du cœur de Dante contre son dos, sa chaleur diffuse et son bras enroulé autour de sa taille suffisaient d'habitude à la faire sombrer dans le sommeil. Mais pas cette nuit. Dans la pénombre, un infime mouvement attira son regard distrait : celui d'un minuscule amas de fibres tremblotant, clair contre les draps en satin de coton bleu, pris dans le souffle du jeune homme qui le poussait peu à peu.

Probablement un vestige de rembourrage d'un des oreillers explosés, par accident, au cours de leur première et unique nuit mouvementée. Elle avait mis un temps infini à en débarrasser ses cheveux après coup, malgré l'aide de son partenaire hilare, au point qu'ils conviennent ensemble de se passer de coussins la prochaine fois.

Seulement, les derniers événements avaient mis un stop brutal à toute velléité de batifolage.

Après sa crise de rage cathartique et une monumentale gueule de bois, Ayden avait pris le parti de gérer son deuil en se jetant à corps perdu dans le travail. Les deux dernières journées de Séra s'étaient donc résumées à relayer Dante pour le regarder plancher sur l'inhibiteur en reprenant tout à zéro, et lui tenir compagnie. Parfois en échangeant quelques mots, mais le plus souvent dans un silence studieux qui laissait place à une cogitation sans fin, de son côté.

N'y tenant plus, elle se dégagea avec précaution de l'étreinte endormie du grand brun pour s'asseoir au bord du matelas, le front barré d'un pli soucieux.

Le stress ambiant, les miettes d'informations obtenues durant les appels de Mona et l'attente, interminable, du retour des deux femmes, n'avaient fait que renforcer un sentiment qu'elle éprouvait déjà depuis un moment. Sa reconnaissance pour le travail de l'équipe était sans bornes mais elle était de plus en plus lasse de devoir patienter, toujours, pendant que d'autres se chargaient de récolter une information ou l'autre.

Et les dernières nouvelles étaient loin de la soulager.

—... Insomnie, ou cauchemar ? Articula la voix engourdie de Dante derrière elle, dans un froufrou de tissu.

— Insomnie. Mais c'est rien, t'inquiète, tu peux te rendormir.

— Hm.

Le bruissement s'intensifia, jusqu'à ce que la chaleur familière se love dans son cou et l'enveloppe à nouveau. À son tour, elle laissa sa tête reposer en arrière dans le creux de l'épaule de Dante, le visage levé vers le plafond et les paupières fermées.

— Elle te faisait quoi déjà ta mère, pour t'aider à dormir quand t'étais petite ? De la tisane magique ? Repris le jeune homme après une longue inspiration, comme si son odeur seule avait le pouvoir de le sortir de la brume du sommeil.

La question la fit sourire. Elle se souvenait avoir abordé le sujet une fois, au milieu de tout un tas d'autres, durant l'une de leurs planques à Douglas. Qu'il ait retenu une si lointaine bribe de conversation l'étonnait autant qu'elle l'émouvait.

— C'était seulement une infusion de camomille avec du miel dedans, même si ça sonne comme une substance illicite. Mais oui, c'est comme ça que je l'appelais.

— Ça te branche ? Je peux t'en préparer pendant que tu m'explique ce qui t'arrive.

—... D'accord.

— D'accord.

Il ponctua leur arrangement d'un baiser sur sa mâchoire, tapotant ensuite gentiment ses bras pour lui signaler de se lever. Mais au lieu de ça, la jeune femme pivota et l'embrassa sur la joue.

Nano.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant