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L'enfer de Dante était monstrueux, empli d'effusions de sang, de vagues de magma, de cendres incandescentes et d'une odeur insoutenable de chair carbonisée. Si monstrueux qu'il était sur le point de hurler de terreur en se liquéfiant, avalé par une boule de feu rougeoyante, lorsque la sensation d'une présence proche et familière le tira de ses tourments.

— Réveille-toi, tout va bien.

Le ton empreint de douceur détonnait avec la poigne solide qui restreignait ses mouvements incontrôlés. Une sensation de brûlure s'attardait dans le creux de son bras, pourtant il frissonna lorsqu'un filet de sueur désagréable dévala ses omoplates. Couché sur le côté, il tenta d'entrouvrir ses paupières mais l'une d'elles était gênée par un poids, le laissant avec un unique œil valide qu'il peina à plier à sa volonté.

Rassemblant ses pensées pour analyser l'image qui se mettait lentement au point devant lui, il nota d'abord deux choses : il faisait jour dehors, et il se trouvait face à une grande porte-fenêtre en alu noir.

De l'autre côté un parapet de verre fermait une petite terrasse, et au-delà encore s'étendait une eau calme et brumeuse. Le brouillard, rampant sur les crêtes des vaguelettes façonnées par la brise, montait jusqu'au ciel pour s'y mélanger en aplat de gris, transformant le soleil en un gros disque blanc aux contours vaporeux, presque irréel. Des oiseaux pépiaient quelque part dans les arbres environnants, tout proches, parachevant le tableau en tout point contraire à ses visions cauchemardesques.

Doucement, son cœur erratique commença à s'apaiser. Et lorsque sa respiration s'allongea, signe que la panique était passée, l'étau qui le retenait toujours se desserra.

— Hey... Ça va ?

La question venait de sa droite, son côté aveugle. En se redressant pour porter une main à son visage, où il découvrit le bandage bloquant sa vision, il remarqua la traînée de sang dans la pliure de son coude et le petit trou qui achevait de s'y refermer. Se laissant aller sur le dos, il tourna ensuite lentement la tête, encore un peu groggy après son brusque réveil. Son paysage passa de la campagne environnante à un intérieur cozy, avec au premier plan une forme féminine qui reculait pour s'asseoir près de lui.

Lorsque son regard rencontra enfin celui de Séra, il aurait pu jurer l'espace d'une seconde que les rayons du soleil blanc la paraient d'arcs-en-ciel malgré la brume, tous évanouis le temps d'un clignement. En revanche, elle portait encore une adorable trace de manche imprimée sur la joue, signe qu'elle avait probablement dormi assise la tête entre ses bras. Incertain de ses cordes vocales, il les racla en hochant la tête pour la rassurer.

Petit à petit, ses muscles crispés se déliaient, le laissant libre de tout inconfort en dehors de picotements diffus et d'une impression de moiteur enveloppante. À dire vrai, il ne se rappelait pas de la dernière fois où il s'était senti aussi reposé. Il ne se rappelait pas son arrivée ici, non plus.

Avec l'aide de Séra, il se hissa en position assise contre le monticule de coussins qu'elle avait érigé dans son dos, acceptant le verre qu'elle lui tendit ensuite. La sensation de l'eau fraîche glissant dans sa gorge était une vraie bénédiction, même si elle n'apaisait pas complètement la sécheresse qu'il sentait sur son palais. En reposant le récipient promptement vidé sur la table de nuit, devant un réveil mécanique qui indiquait un peu plus de sept heures trente du matin, il réalisa que la plupart du linge de son lit avait été retiré. Et aussi qu'il ne portait plus qu'un t-shirt orné d'une grosse tête de chat et un caleçon ample rayé, tout deux inconnus au bataillon.

Seul le drap housse le séparant du matelas était encore en place, la perfusion qu'il s'était arrachée en se débattant dans son sommeil gisant dans ses replis. Pourtant il avait chaud, comme sous une couverture invisible.

Nano.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant