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— C'est une vraie artiste, la meilleure faussaire que je connaisse et je dis pas ça parce qu'on est de la même famille, assura Astrid, devant l'air interloqué de Dante.

— On s'est dit qu'une nouvelle identité ce serait pas du luxe, quand vous allez devoir sortir d'ici, ajouta Virgile juste avant de bailler, quittant le hall pour retourner vers le canapé qu'il avait dû rechigner à abandonner pour ouvrir.

Connaissant sa paranoïa habituelle, le voir si relaxé apaisa un peu Dante, qui retrouva ses bonnes manières pour saluer la nouvelle arrivante. Cette dernière n'eût pas l'air de leur en vouloir pour cet accueil peu amical, esquissant un nouveau petit sourire en acceptant sa main tendue, serrant ensuite celle de Séra avec un signe de tête qui fit scintiller le bijou qu'elle portait au septum.

— Je m'installe où ? S'enquit-elle en ramassant les deux malles à ses pieds.

Elle se laissa guider par Astrid qui l'emmena à travers le salon principal jusqu'à la salle à manger, séparée du reste par une grande arche vitrée ouverte dans le mur. La pièce immense, dotée d'une large table toute en courbes surmontée d'un lustre sculptural à globes de verre et tiges de laiton, lui donnait amplement l'espace d'exercer son art. L'air satisfaite, la faussaire tira l'une des chaises rose pâle et adressa un hochement de tête à sa cousine. Celle-ci emprunta alors le même chemin à rebours pour rejoindre Virgile et le poussa pour s'asseoir en face de la télévision, scrollant à travers l'imposante collection de jeux vidéos du hacker avant de sélectionner Pac Man et de lancer une partie, ignorant ses jérémiades à propos de ses goûts "préhistoriques".

— Vous deux, vous restez plantés là où vous allez vous faire tirer le portrait ? Lança-t-elle par-dessus son épaule.

Remarquant que Séra, tout comme lui, était restée figée au milieu de l'agitation sans savoir où se mettre, Dante lui indiqua la salle à manger d'un petit mouvement de tête. Irène s'affairait déjà à orienter une petite lampe sur trépied télescopique vers l'un des murs immaculés quand ils passèrent l'arche, les accueillant d'un nouveau sourire gracieux :

— La photo prendra que deux minutes et je vous libère. Mais pour toi, il faudra un peu de Photoshop, ajouta-t-elle avec une mine aimablement désolée après avoir regardé plus attentivement Dante, se référant aux teintes chamarrées de son visage.

Il ne lui en voulait pas de souligner l'évidence, mais honnêtement, il commençait à avoir hâte que les bleus disparaissent pour qu'on arrête de les lui faire remarquer à toutes les occasions. Et peut-être aussi parce qu'il nourrissait un peu d'espoir depuis que Séra ne l'avait pas complètement rejeté, qui le rendait bien plus conscient qu'avant de l'apparence physique qu'il lui renvoyait.

Prendre les photos ne dura effectivement que quelques minutes, Irène utilisant un appareil relié à un petit boîtier qui imprima directement celle de Séra avant de s'occuper de la sienne sur son ordinateur. Après ça, et selon un schéma visiblement bien rodé, elle se mit au travail. Elle possédait dans ses malles un attirail impressionnant d'outils de précisions, d'encres et de puces en tout genre. Tout ses gestes étaient minutieux, et Dante compris rapidement pourquoi Astrid l'avait qualifiée d'artiste. On aurait vraiment dit qu'elle composait une œuvre d'art.

Ne lui étant plus d'aucune utilité à ce stade, il se décida à rejoindre lui aussi le canapé. Mais Séra préféra observer un peu plus longtemps le travail d'orfèvre, tout en posant quelques questions qui ravissaient visiblement Irène et auxquelles elle répondait avec un plaisir non dissimulé. Elle ne quitta d'ailleurs la nouvelle arrivante qu'au bout d'une heure bien tassée, profitant ensuite de la manette qu'Astrid partageait régulièrement pour aller tenir compagnie à sa cousine et convoyer des snacks depuis la cuisine.

Nano.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant