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Les sédatifs, contenus dans la petite capsule de verre aérodynamique plantée dans sa jambe, auraient mis Séra au tapis si elle avait été normale.

Mais elle ne l'était plus.

Et tout comme ceux qu'on lui avait injectés quand elle était encore dans son lit d'hôpital, leur effet se dissipait trop rapidement pour fonctionner vraiment, ne provoquant qu'un engourdissement juste assez gênant pour la faire boiter un peu.

Alors, supportée par l'étrange type en sweatshirt qui l'avait aidée à s'enfuir, elle sautilla jusqu'au fond du bus, évitant le siège orné d'un chewing-gum encore luisant avant de s'asseoir. Elle ne savait pas vraiment quoi lui dire lorsqu'il prit place à ses côtés, elle n'avait pas prévu qu'il la suivrait si loin mais, au bout de quelques longues minutes, elle se décida enfin à briser le silence.

— Merci.

Le sourire qui avait disparu revint aussitôt sur le visage du jeune homme, faisant ressortir ses pommettes sous ses mèches noires tandis qu'il secouait la tête de droite à gauche.

— Pas de souci, content d'avoir aidé.

La remarque naïve et innocente sembla si incongrue à Séra qu'elle ne put que copier bêtement son expression, la sienne ne tardant cependant pas à devenir amère, alors qu'elle prenait conscience de la situation dans laquelle elle venait de l'embarquer par accident.

— Bon ben... Au revoir, je vais me débrouiller seule pour la suite, affirma-t-elle.

C'était bien sûr un gros coup de bluff. Elle n'avait absolument aucune idée de la marche à suivre maintenant, écartant d'office l'idée de contacter ses parents de peur de les mettre en danger. Leurs postes respectifs au consulat n'étaient pas assez influents pour leur assurer une quelconque sécurité et, surtout, ils la croyaient morte.

L'image soudaine de sa mère et de son père assistant à ses funérailles lui brisa le cœur, mais plus que tout, elle refusait que la situation soit inversée. Et qui pouvait savoir de quoi étaient capables des gens qui avaient simplement effacé son existence de la planète ?

Le grand type, Dante, sembla ressentir sa détresse intérieure, et ignora totalement son adieu pour demander à la place :

— T'as faim ? Je connais une épicerie de quartier qui fait un super jambalaya maison.

La question rappela à la jeune fille qu'elle possédait un estomac, et elle acquiesça machinalement lorsque celui-ci gargouilla, avant de réaliser :

— J'ai pas d'argent sur moi.

Pire que ça, obligée de sauter sur la première occasion qu'elle avait eu de fuir, elle ne possédait plus ni papiers, ni affaires personnelles. Seulement les vêtements légers avec lesquels elle était partie. Alors sans Dante, elle était carrément dans la sauce.

Ce dernier venait de se lever et lui tendit une main pour l'aider à faire de même tout en appuyant sur le bouton d'appel du bus, signalant leur descente. Il agita les doigt pour lui signifier de se dépêcher quand elle n'accepta pas son geste immédiatement, visiblement satisfait lorsqu'elle se laissa convaincre par son dernier argument.

— T'inquiète, la proprio est une amie, elle nous le fera gratos.

Savoir qu'il n'allait pas payer pour elle était un mince réconfort, mais un réconfort quand même. Elle avait conscience qu'il faudrait bientôt qu'elle se sépare de son nouveau compagnon d'infortune, qui venait tranquillement de la soulever pour lui éviter l'obstacle du marchepied en attendant que sa jambe récupère. Pourtant, en le voyant ainsi aux petits soins, Séra se sentit regretter un peu de ne pas l'avoir connu dans des circonstances différentes.

Nano.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant