46.

23 5 21
                                    

— C'est pas vrai, ils sont où ces foutus biscuits...

Irritée, Mona fourragea une dernière fois dans le rayon puis déposa les armes, résignée : ses gâteaux double chocolat et éclats de caramel préférés restaient introuvables. Tant pis. Elle se rattraperait avec du pop-corn et de la glace au cookie.

C'était pas vraiment recommandé dans son état, mais son moral en berne réclamait des douceurs.

Elle grimaça en réalisant que sa recherche intensive avait achevé de bousiller sa manucure, incapable de s'empêcher de gratter l'ongle de son annulaire du bout du pouce. Grimace qui s'intensifia lorsqu'elle souffla sur une mèche auburn échappée de son chignon, maintenu par un stylo bic vide.

Vide comme son âme, privée de double choco-caramel.

Agacée, elle attrapa distraitement la poignée de son petit panier à roulettes de sa main libre, mais tira trop fort pour le maigre poids de malbouffe que ce dernier contenait. Et s'encastra l'engin en plastique pile au-dessus du talon.

— Merde, c'est pas possible !

— Mona..? C'est toi ?

La quasi trentenaire boitillante releva brusquement la tête en entendant son prénom, et se dépêcha d'enfouir son vernis magenta écaillé dans la manche de son sweat à fermeture éclair. Elle plaqua par réflexe un immense faux sourire sur son visage pointu, mais une petite voix dans sa tête hurlait.

Parce qu'elle portait son jogging gris fatigué des jours de lessive. Parce qu'elle avait pas lavé ses cheveux depuis une semaine. Parce que son syndrome prémenstruel avait tapé fort aujourd'hui, qu'elle avait pas trouvé ses biscuits, et que c'était pourtant à ce moment-là, le pire moment, qu'elle croisait une vieille connaissance de lycée.

— Hé, Erin... Comment ça va ? Ça fait un bail.

Elle tenta héroïquement de paraître heureuse de la rencontrer, au beau milieu d'un rayon de supermarché de Pensacola. Ça lui pendait au nez après tout. Elle était de retour dans sa ville natale. Mais son sourire vacilla, tandis qu'elle détaillait l'apparence impeccable d'Erin Watanabe.

Son teint de porcelaine rehaussé par une bouche teintée rose saumon. Ses cheveux noirs, brillants et tirés à quatre épingles en une longue queue de cheval soyeuse. Son petit trench-coat crème, ouvert sur une tenue à la garçonne faite d'une chemise bleu ciel et d'un pantalon à pinces indigo. Ses oxfords lustrées comme des miroirs. Et surtout, la manucure nude étincelante de propreté de ses doigts, serrés sur le dernier modèle de téléphone en vogue.

— Ça va super. Ta tante m'avait pas prévenue que tu passais dans le coin !

— Ma tante... Ah, oui, ma tante ! Tu travailles avec elle au cabinet ! Percuta-t-elle avec un petit temps de retard.

— C'est ça, toujours directrice comptable, comme tu vois... Et toi, tu deviens quoi ? Tu parlais de devenir procureure non..? Avant qu'on parte tous pour la fac.

Erin savait parfaitement qu'elle n'était pas devenue procureur, leur dernier contact ne remontait pas aussi loin que ça. Un coup bas donné par une femme aux allures de poupée était toujours un coup bas, et Mona l'encaissa douloureusement malgré son expression joyeusement figée.

— Oui enfin, ça c'était l'idée de mes parents... En ce moment je suis entre deux opportunités. J'en profite pour découvrir un peu, euh, le monde du spectacle. D'ailleurs j'ai un show ce soir, il faut pas que je traîne, menti-t-elle.

— Un show ? Où ça ? On pourrait peut-être passer te voir, avec mon mari et les petits.

— Oh.. Non, c'est pas vraiment ouvert aux enfants.

Nano.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant