Nano.

29.

— T'as besoin de quelque chose ?

Dante gratifia simplement Ayden d'un bref mouvement de tête négatif en guise de réponse. Ce dernier lui lançait un énième regard inquiet depuis le couloir, sa silhouette minuscule dans l'encadrement de la double porte en bois du salon. Mais le grand brun était trop tendu pour parler plus que le strict nécessaire. Et il avait un peu la gerbe.

Heureusement il ne poursuivit pas plus loin la conversation et le laissa seul terminer d'empaqueter ses affaires à la hâte, le vieux parquet presque noir grinçant à son départ. Sous les pieds de Dante en revanche, il ne faisait aucun bruit, à cause de l'immense tapis émeraude à motifs floraux jaunes qui recouvrait une bonne partie du sol de la pièce. Et que le jeune homme se gardait bien d'étudier. Ça lui filait mal au crâne en plus du reste.

Le scientifique allait probablement au labo pour aider à collecter les données contenues dans les ordinateurs avant de tout démanteler. Susan y était déjà.

Dante savait que son soulagement avait été immense quand ils étaient arrivés au manoir, et qu'elle était apparue saine et sauve au sortir de la salle de bain. Toutes les alarmes étaient en place, le portail n'avait pas été forcé. En bref, sans la disparition de Séra, il n'y aurait eu aucune preuve que quiconque ait remonté leur trace jusqu'ici.

Lui en revanche, n'avait pas réussi à ressentir la moindre chose en dehors de sa colère et d'une terreur lancinante qui menaçait à tout moment de l'engloutir. Seule la voix de Virgile et la présence d'Ayden pendant le trajet l'avaient empêché de partir complètement en vrille, et même maintenant, il était suspendu aux lèvres du hacker toujours en ligne dans son oreillette.

— Ils ont pris un ferry. D'après les horaires, ils vont vers Liverpool.

— Je vais demander à Ayden de m'emmener en bateau.

— Attends, tu peux pas-

Sa colère grimpa en flèche, couvrant momentanément inquiétude, remords et peur, assourdissant le malaise de son estomac noué. Il ne voulait pas entendre la fin de cette phrase. Il l'interrompit brutalement, haussant la voix.

— Vous me faites tous chier !! Je suis censé attendre quoi ? Que ça se passe ?! J'attend depuis vingt-trois putains d'années, c'est assez non ??!!

Il allait regretter plus tard de lui avoir parlé comme ça, c'était certain, mais là tout de suite il n'en avait franchement rien à cirer. Il avait besoin de faire quelque chose, et il en avait marre qu'on lui réponde comme s'il était abruti.

— ... Écoute, je suis désolé. Je sais que c'est dur mais on doit rester vigilants, et là y'a quelque chose de louche.

— De quoi tu parles.

— J'ai pas pu repérer ces gars avant qu'il soit trop tard, c'est pas des débutants. Le souci c'est que malgré ça, ils viennent seulement de se débarrasser du téléphone de Séra.. D'après ce que je vois ils l'ont probablement jeté à la flotte, mais bien après avoir embarqué, comme pour laisser une piste.

— Tu penses que c'est un piège.

Dante souffla sa constatation et stoppa ses mains tremblantes qui galéraient à fermer le zip de son sac. Puis il s'appliqua à respirer profondément pour reprendre un peu de contrôle sur ses émotions bouillonnantes.

Inspirer par le nez, souffler par la bouche.

— C'est possible. Ils sont allés au port, c'est sûr, mais la caméra de circulation des docks est morte, pas moyen de savoir si c'est bien eux qui avaient le téléphone ou s'ils l'ont filé à quelqu'un d'autre. Je vais surveiller les destinations de tout les ferrys et aussi les vols au départ de l'île au cas où, mais on doit surtout pas se précipiter si on veux pas perdre du temps pour rien.