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Dante...

Séra se rappelait vaguement sortir de la voiture, se retourner vers lui et rire en réponse à son air bien trop enjoué pour l'occasion, alors que sa tête émergeait de l'autre côté du toit vert foncé reflétant le ciel nuageux. Et puis les yeux du jeune homme s'étaient soudain agrandis d'effroi, mais elle n'avait pas pu se retourner pour voir l'objet de sa peur, tout à coup faible et étourdie.

Elle se rappelait aussi s'être effondrée dans les bras de quelqu'un, envahie par une ancienne panique cinglante lorsque ses jambes avaient arrêté de la soutenir. Une seconde silhouette était sortie des ombres entre deux véhicules garés plus loin, pour maîtriser Dante qui s'élançait déjà vers elle. Dans ses souvenirs confus, il s'était vaillamment battu contre un type au moins aussi grand que lui pendant que son monde à elle se tournait sans dessus dessous, jetant son adversaire si fort contre la Ford que le coffre s'était ouvert.

Et puis c'était le trou noir.

— Dan..te... Dante..

— Amos, elle est réveillée.

L'affirmation, prononcée d'une voix douce mais ferme et surtout inconnue, n'était pas tout à fait vraie. Séra voulait se réveiller, de toutes ses forces, mais elle ne parvenait pas à reprendre le contrôle de son corps. Pour elle l'air ambiant était pâteux, opaque et d'une désagréable moiteur qui l'empêchait de respirer correctement. Le moindre mouvement dans cette purée de pois lui paraissait impossible.

Elle se sentait stupide d'avoir été rattrapée si facilement. Inquiète. Et très en colère aussi.

Pour changer.

Mais avant tout, elle voulait faire passer un message à ces deux hommes qu'elle entendait murmurer, par-dessus le chuintement de pneus sur du goudron mouillé et les échos des cahots de la route se répercutant dans une carrosserie.

— Dante... Si vous.. Lui avez fait du mal...

— Remet lui une dose et referme le rideau Lev. On est presque arrivés, c'est pas le moment de merder.

Non, non attendez.

Elle devait se dépêcher de finir cette phrase qu'elle avait tellement de mal à faire sortir, avant que ses kidnappeurs ne l'entendent plus. Ils devaient savoir, craindre le sort qu'elle leur réservait. Pourquoi pas même faire des cauchemars en l'imaginant séparer leurs entrailles du reste de leurs corps.

— Si vous avez.. fait du mal à Dante... Vous êtes.. morts.

° ° °

Amos n'avait aucun doute sur le sérieux des paroles qui lui parvenaient par les interstices de l'épais tissu séparant la cabine de conduite de l'arrière de la camionette. Après tout, il était quasiment sûr que la dose de calmants qu'il lui avait déjà administrée était fatale pour tout être humain normalement constitué... Et pourtant cette fille était là, ficelée sur une banquette et dans un coltar monstrueux, mais tout de même apte à distribuer des menaces qui lui faisaient un peu froid dans le dos.

L'enlever n'avait pas été si compliqué. Il avait seulement fallu attendre devant le manoir qu'ils surveillaient heure après heure, à tour de rôle, jusqu'à ce qu'elle en sorte. Ensuite ils l'avaient suivie discrètement et le moment venu, Lev s'était occupé de neutraliser le géant pour qu'il ne pose pas de problème. Lui-même avait utilisé sa seringue hypodermique, se camouflant en passant lambda pour avoir une chance de frapper.

Après ça quitter l'île avait été une question de fric. Amos avait un peu pesté à cause du refus de son employeur de laisser l'avion privé qu'ils avaient pris à l'aller à leur disposition. Heureusement, une liasse de billets rebondie passée au type qui s'occupait du chargement des véhicules sur le ferry avait suffit pour qu'il les ignore.

Nano.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant