Nano.

10.

L'intérieur du Styx était comme son nom le laissait présager, sombre. Pour y accéder il fallait descendre un étroit escalier et passer sous le niveau de la rue, afin d'atteindre une porte qui avait tout de l'entrée d'une lugubre tanière et qui détonnait avec les décors de bord de mer branchés qu'on voyait partout à Miami.

Une fois à l'intérieur la musique aux influences cubaines rappelait un peu la côte de Floride, mais c'était tout. Seule une zone pourvue de tables de billard et le bar lui même étaient un peu éclairés par des spots incrustés dans le plafond, le reste de la salle baignant dans la lueur de néons bleus et violets accrochés ça et là sur les murs et le plafond en lambris noirs. Dans une ambiance pareille, les habitués ne devaient probablement même plus savoir quand il faisait jour et quand il faisait nuit, songea Séra en scannant le lieu du regard, tout en suivant Dante à travers un dédale de tables dont certaines étaient déjà — ou encore — occupées.

— Comment tu sais que l'intermédiaire qu'on cherche est ici ?

Ce dernier répondit avec un signe de tête en direction d'une silhouette au dos tourné, occupée à déposer des bouteilles sur une étagère, avant d'annoncer :

— Parce que c'est la barmaid.

La femme en question s'aperçut de leur arrivée alors même qu'ils atteignaient les tabourets en cuir clouté disposés le long de l'imposant comptoir en bois et en marbre noir. Lorsqu'elle se retourna, les yeux de Séra furent immédiatement attirés par son visage fin et ses cheveux blonds platine coupés très courts. Elle paraissait immense, à peine un peu plus petite que Dante, et son aura sophistiquée contrastait de façon drastique avec celle pour le moins rustre de son lieu de travail.

Sa chemise blanche rentrée seulement d'un côté dans sa jupe en cuir était largement ouverte sur des tatouages serpentins descendant symétriquement ses clavicules. Ils l'hypnotisèrent un instant, jusqu'à ce que leur propriétaire n'ouvre la bouche :

— Bienvenue ! Moi c'est Astrid, qu'est-ce que je vous sers ?

La question fut posée avec un sourire avenant et un ton enjoué, mais Dante préféra aller droit au but.

— Rien merci. En fait, on est là pour voir Virgile.

La simple phrase fut suffisante pour transformer le sourire de la barmaid en un air froid et suspicieux, l'une de ses mains glissant discrètement sous le bar.

— On peut savoir qui le demande ?

— Dante.

La femme sembla réfléchir quelques secondes, fouillant dans sa mémoire à la recherche du nom. Puis son visage s'éclaira à une vitesse surprenante, ses deux mains visibles à nouveau alors qu'elle les claquait bruyamment devant elle.

— Mais oui ! Grand, cheveux noirs, sourire perpétuel, Dante Wang. Virgile m'a parlé de toi. C'est urgent ? Ajouta-t-elle, en référence à la demande du jeune homme.

— On a besoin de son aide pour retrouver quelqu'un, le plus rapidement possible, confirma Dante.

Le "on" attira alors l'attention d'Astrid sur Séra, qui s'avança pour soutenir son regard. La barmaid la détailla rapidement, avant de s'adresser à nouveau à Dante.

— Tu te porte garant pour elle, j'imagine ?

Après un rapide échange de regards avec la petite brune, il confirma avec un sourire.

— Ouai, c'est ma garde du corps.

L'explication eut l'air de satisfaire ou au moins d'amuser la blonde, qui lui adressa un signe de tête amical.

— Dans ce cas, enchantée...?

Séra n'était pas certaine que donner son vrai nom à tout bout de champs soit une bonne idée, même si elle l'avait déjà fait avec Dante. Pour sa défense, c'était juste après une course-poursuite, et elle n'avait pas vraiment les idées en place. Mais la façon qu'avait eu Astrid de le catégoriser comme si elle avait mémorisé son profil par cœur parmis des milliers d'autres, et surtout son petit tour de passe-passe sous le comptoir, lui disaient qu'il ne valait mieux pas tenter de jouer à ça avec elle. Alors, elle répondit fermement :