Chapitre 9

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Je fixe les dix caisses de bois sans rien dire. Ce matin, un mafieux a tambouriné à la porte de mon bar jusqu'à ce que je descende lui ouvrir. Il m'a dit qu'il s'appelait Mattias et qu'il était là pour la livraison. Sur le coup, je n'ai pas compris : j'ai reçu toutes mes commandes hier et les ai installées avec l'aide d'Angelo, Enzia et Gabriel. Sauf qu'il s'agissait de la livraison qui devrait dormir deux jours au sous-sol. Mattias a été sympa et m'a laissé le temps de m'habiller avant de leur ouvrir la porte pour de bon. Mais quand ils ont commencé à décharger, j'ai manqué de m'évanouir : dix caisses remplies à ras-bord de cocaïne ont été entassés tant bien que mal dans mon sous-sol. Je peux heureusement toujours atteindre le compteur mais les caisses encombrent tout l'espace disponible. J'ai essayé de négocier avec Mattias pour n'en garder que la moitié mais cette tête de mule n'a rien voulu entendre. Gabriel est arrivé entre-temps et Mattias s'est fait enguirlander comme jamais. Je ne sais pas ce qu'ils se sont dit, vu qu'ils ont parlé en italien, mais je devine que ce n'était pas des mots d'amour. Gabriel m'a demandé de retourner à l'intérieur et Mattias est reparti avec sa troupe.

- Je n'arrive pas à croire qu'il ne m'ait pas demandé la permission.

- De quoi ?

- Tu viens de faire connaissance avec mon frère, Mattias. Il est rentré du Canada dans la nuit et a foncé tout droit vers toi pour se débarrasser de la drogue.

- Et alors ?

- Et alors il doit avoir ma permission et celle de notre père, pas essentiellement dans cet ordre.

- Pourquoi ?

- Parce que si jamais il s'est fait suivre, les flics peuvent débarquer ici sans mandat et adieu le business, bonjour la prison. Pour toi aussi du coup.

- Et tu penses qu'il était suivi ?

- Non mais je n'aime pas quand il fait ça, après il prend l'habitude et il met tout le monde ne danger.

Il me regarde avec douceur, j'aime bien quand il fait ça : je me sens en sécurité, même si c'est illusoire.

- Désolé, je n'aurais pas dû m'énerver comme ça.

- Non ce n'est pas grave. Je te comprends en fait.

Je lui souris, il m'imite et je dois me pincer discrètement pour me ramener à la réalité :

- Angelo ne devrait plus tarder, dis-je en regardant l'heure de mon téléphone, on a un entretien à 9h et un autre à 11h ce matin.

- Ça t'ennuie si je reste ?

Je n'ai pas le temps de lui répondre : Angelo apparait devant la porte, un dossier sous le bras.

- J'ai imprimé tous les papiers, même les facultatifs : on est parés chef.

Il se met au garde-à-vous et fait un salut militaire.

- Repos soldat Angelo, dis-je en riant, Gabi va rester ce matin, tu penses qu'on pourrait accueillir les candidats à la table du fond ?

Je n'obtiens pas de réponse et me rends compte que j'ai utilisé un diminutif pour parler de Gabriel. Et zut, c'est la deuxième fois que ça m'arrive et je ne le fais même pas exprès. J'hésite à lui sortir une vacherie pour noyer le poisson mais il me devance et, sans relever, s'installe à la table dont je lui ait parlé. Nous n'attendons pas longtemps : le premier candidat est en avance et je décide de le prendre tout de suite. Je lui pose quelques questions basiques et apprends que sa famille vit très loin, dans le sud de la France et qu'il ne les voit presque jamais. Ce profil me plaît et sa tête aussi, je fais signe à Angelo qui entame la partie signatures et négociations.

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