Chapitre 17

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Un bruit strident me réveille en sursaut. Nous sommes sous un pont et les lumières du train m'éblouissent. Les passagers murmurent entre eux et je finis par comprendre ce qui se passe : le train s'est arrêté. J'attends impatiemment que la voix du conducteur nous rassure en nous disant que ce n'est rien de plus qu'un souci technique. Mais quand elle se fait entendre, la voix nous demande de rester assis et d'attendre que les policiers aient terminé leur inspection. Je me fais toute petite sur mon siège en fuyant le regard de la mère de James. Dix minutes s'écoulent, puis vingt. Les gens commencent à s'impatienter. J'entends la porte du wagon s'ouvrir et cinq hommes apparaissent. Ils inspectent les visages et semble chercher quelqu'un. James me regarde et me souffle :

- Je dirais que tu es ma grande sœur !

Je lui souris. Mais d'un coup, je me fige. Je viens de reconnaitre quelqu'un parmi les policiers. Je baisse la tête et les observe de biais. J'avais vu juste : ce ne sont pas des policiers mais des mafieux. Je le sais, Gabriel est là. A quelques mètres de moi. Si jamais il tourne la tête dans ma direction, je suis foutue. J'enfile discrètement mon sac à dos et me lève en essayant de ne pas me faire remarquer.

- Elle est là !

Top départ. Je passe de wagons en wagons sans jamais ralentir. J'entends les mafieux me courir après. Je sens presque leur souffle derrière moi. L'adrénaline me donne des ailes. Je sors du train et repère une voiture dont les clés sont encore sur le contact. Je démarre en trombe et sors du tunnel en marche arrière. Je rattrape une route et ignore la limitation de vitesse. Le talkie-wookie oublié sur le tableau de bord me donne toutes les informations dont j'ai besoin pour échapper à mes poursuivants.

-Miles prend à gauche et coupe lui la route.

- Reçu.

- Arrêtez vos bêtises, rage Gabriel, à cette vitesse vous vous percuterez. Miles, reviens à ta place elle cherche à ramener les flics.

On dirait que mon plan n'a pas échappé à Gabriel. J'accélère encore et me retourne un bref instant pour savoir s'ils me suivent toujours. Bref instant qui m'est fatal. Quand je me reconcentre sur la route, j'ai à peine le temps de voir surgir une berline noire que mon pare-brise explose. Je vois le sol remplacer le ciel étoilé et un choc violent me fait perdre connaissance.

+++

Quand je rouvre les yeux, je n'entends rien. Ma vue est brouillée par mon sang, je dois être blessée au front. Je vois des silhouettes s'agiter autour de la voiture. L'une d'elle est agenouillée près de moi et je devine à ses gestes qu'il est en train d'enguirlander quelqu'un. Je devine un silence entre les deux et je sursaute en entendant une détonation. Je ne pensais pas en être capable mais je me mets à trembler comme une feuille. Ça me fait mal, très mal. J'ai peur, je ne sais pas ce qui m'arrive. La seule chose que je sais, c'est que je n'ai pas pu traverser la frontière. Ils m'ont reprise.

Gabriel

Lorsque j'ai vu la voiture se retourner trois fois sur la route, j'ai immédiatement accéléré. Miles n'a pas obéi : il a persisté dans son idée à vouloir lui couper la route. J'espère que Mia est seulement évanouie. Je la vois, inerte et je ne sais pas si elle respire. Miles accourt, sain et sauf, tout joyeux :

- Tu vois Gab, je t'avais dit que je l'aurais.

- Sale crétin, hurlais-je, je t'avais donné un ordre.

- Tu voulais l'attraper non ?

- Je la voulais VIVANTE !

Elle a ouvert les yeux. Elle saigne et son poignet à l'air d'être cassé.

- Ben tu vois, me lance Miles, elle est vivante la gamine.

C'est la goutte de trop. J'attrape mon pistolet et appuie sur la détente. Miles tombe, une balle dans la tête. J'ai vu Mia sursauter quand j'ai tiré. Elle tremble de peur et avec son poignet, ça ne doit pas être agréable. Quelques larmes viennent se mêler à son sang. Le coéquipier de Miles m'apporte une seringue remplie d'un sédatif. Quand elle comprend, elle cherche à se débattre. J'essaie de la rassurer mais je crois qu'elle ne m'entend pas. Je déteste la voir souffrir.

Mia

Quand je vois Gabriel approcher l'aiguille de mon bras, je me débats tant que je peux mais j'ai autant de force qu'un chamallow grillé. Je vois bien que Gabriel me parle mais je ne l'entends pas, sans doute à cause du sang dans mes oreilles. Il essuie une de mes larmes et articule « désolé » en plantant l'aiguille dans ma chair. Je grimace sous l'effet de la douleur et m'endors comme une souche. Je n'ai jamais été aussi contente d'être sous sédatif : au moins je n'ai plus mal nulle part.

Gabriel

Quand papa va apprendre ce qu'il s'est passé, il va vouloir ressusciter Miles pour le tuer à nouveau. Cet abrutit de première n'en a fait qu'à sa tête et a failli tuer Mia. Elle somnole sur le siège passager tandis que je l'emmène à notre quartier général américain. New York : le meilleur endroit pour passer inaperçu. Nous ne sommes plus qu'à quelques kilomètres de la ville. Il était temps : Mia commence à émerger et il vaut mieux qu'elle soit attachée quand elle se réveillera.

+++

Les infirmiers s'activent autour d'elle. Ils soignent ses blessures et bandent son poignet. Mia a les yeux ouverts mais je vois bien qu'elle est encore dans les vapes. Des sangles noires l'attachent à son lit et l'empêcheront de se sauver. Quoique pour le moment elle n'en soit pas capable.

Mia

Je sais qu'il est là. Je sens qu'il m'observe. Il me dévore du regard comme s'il me touchait. J'ignore royalement les infirmiers qui s'activent autour de moi et me concentre sur les liens qui me retiennent. Ni trop serrés, ni trop lâches. Parfaits pour me retenir sans me faire mal. Une fois les infirmiers partis, je le sens s'approcher de moi. J'aimerais bouger mais mon corps est encore trop épuisé pour se mouvoir. Il me caresse les cheveux et ses yeux me transmettent tous les remords du monde.

Attention ma vielle, tu vas retomber dans ses filets !

Et puis zut ! Juste une fois, qu'est-ce que ça me coûte ? Je ferme les yeux et le laisse rester près de moi. Je le fais parce que j'en ai envie et parce que je veux me convaincre que j'ai eu tort de partir.

- Mes... parents, articulais-je, est-ce...

- Ils vont bien Mia, rassure-toi. Angelo les surveille et Mattias a été écarté de l'affaire.

Je soupire, soulagée que mes parents soient en bonne santé.

- Comment tu m'as retrouvée ?

- Le coup de fil que tu leur as passé et la voiture, quand tu as échangé le 4x4 contre le SUV gris.

- Le vendeur m'avait juré de tenir sa langue.

- Certains ont le pouvoir de délier les langues Mia.

- Assassin.

- Je ne l'ai pas tué Mia.

- Le rival et le gars qui m'ont mise dans cet état, si.

Je détourne les yeux. Je ne veux pas le voir. Pas après ce qu'il a fait.

- Tu es des nôtres maintenant. Il va falloir que tu t'habitues à ce que ceux qui t'entourent aient du sang sur les mains. C'est la loi, notre garantie pour survivre.

- Tu me dégoûtes.

- Je sais. Quand tu seras remise, je t'entraînerais.

Il sort de la pièce. Je nelui adresse pas un regard. Je le déteste. Je le déteste parce qu'à cause delui, je ne retrouverais jamais ma vie d'avant. Je le déteste parce que je vaisdevoir faire des choses qui sortent de mes principes. Je le déteste parce queje l'aime. Je le déteste... parce qu'il a raison.

Stone Heart MafiaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant