Chapitre 31

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Ça fait deux mois que j'ai emménagé dans la villa avec Gabriel et Angelo. Dès mon arrivée, ma nouvelle maison a eu droit à un bon coup de frais. Tout y est passé : la peinture, la dorure et les meubles. Maintenant, je commence à me sentir chez-moi. Je vérifie une dernière fois ce que j'ai écrit sur mon ordinateur portable avant de l'imprimer. Dès que la feuille est sortie, je la plie en trois et me dirrige en sifflant vers les cuisines. Marie est déjà au travail pour préparer le repas du midi et j'admire son courage. Je la salue et lui tends le précieux papier. Il contient le menu pour demain midi. D'habitude c'est Marie qui fait nos menus mais demain, c'est spécial : mes parents ont accepté de venir nous voir pour quelques jours. Je suis excitée et stressée : pour ma mère, c'est simple. Je sais qu'elle a changé d'avis à mon sujet. Au sujet de Gabriel, ça reste à déterminer mais j'ai la certitude qu'elle ne fera pas la tête en le voyant. Pour mon père, par contre, c'est une autre histoire. Maman m'a assuré qu'il ne voulait pas venir et qu'elle avait dû lui sortir le grand jeu pour qu'il accepte. Je remonte au deuxième étage et entre dans la chambre de mes parents pour vérifier que tout a été fait comme je l'avais demandé. Je regarde s'il n'y a pas de trace de poussière sur la commode et je constate que les tapis ont été enlevés pour éviter à mon père de se prendre les pieds dedans. Il y a une bouteille d'eau sur le chevet de mon père et un bouquet de roses blanches sur la table. Les roses blanches sont les fleurs préférées de ma mère. Dans la salle de bain, je vérifie que les gels douche et les shampoings sont ceux qu'ils utilisent d'habitude et que les serviettes blanches sont brodées à leur nom en fil doré. Je respire un peu mieux : tout est en ordre. Angelo s'est un peu moqué de moi ce matin quand je lui ai dit que je voulais que le séjour de mes parents soit parfait. Il m'a dit, et il a raison, que je ne pourrais pas changer mes parents quoi que je fasse. Sur le moment, ça ne m'a pas plus mais comme on dit : « il n'y a que la vérité qui blesse ». Bon, cette phrase n'est pas tout à fait correcte parce que, dans ce cas-là, on pleurerait quand quelqu'un nous dirait qu'il nous aime. Quoiqu'il en soit, mes parents arrivent demain midi au plus tard et je stresse énormément.

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- Messieurs-dames, bienvenue à Naples, salue le majordome, avez-vous fait bon voyage ?

Je regarde mes parents sortir de la limousine que j'ai envoyée pour eux à l'aéroport. Un collègue de notre majordome s'occupe de monter les valises de mes parents au premier étage. Eh ! Vous ne pensiez tout de même pas que j'allais loger mes parents au dernier, si ? Avec l'arthrose de mon père et le somnambulisme de ma mère, ce serait tout sauf malin. Mon père fait la tête et ma mère me sourit. Elle donne un coup de coude à mon père qui lui murmure un « ben quoi ? » salé. Gabriel, Angelo et moi les attendons en haut de l'escalier de pierre, devant les portes à double battants de la villa. Après avoir embrassé ma mère, je me tourne vers mon père.

- Je sais que tu n'es pas ravi d'être là papa. Mais est-ce que tu veux bien mettre de côté ta mauvaise humeur pour me faire un câlin ?

Il marmonne dans sa barbe en souriant. Ça me rassure : en général quand mon père agis comme ça, c'est qu'il n'est pas vraiment fâché. Du coin de l'œil, j'aperçois ma mère qui discute avec Gabriel. Tant mieux. Je connais bien maman : elle est assez ouverte d'esprit et ne restera pas fixée sur le fait que Gabriel et moi appartenons à la mafia. Quant à mon père... « l'espoir fait vivre ».

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Je guide mes parents jusqu'à la salle à manger principale. J'ai réduit le nombre de couvert au strict minimum : Gabi et moi, mes parents bien sûr, Angelo et c'est tout. Les seules personnes autorisées à entrer dans la salle à manger ce midi sont : la cuisinière, les serveuses et le majordome. Je me suis arrangée avec Marie pour que les plats soient ceux que mes parents préfèrent. Autant faire bonne impression. Gabriel m'a laissé gérer le tout de A à Z. A chaque fois que je lui demandais son avis, il me le donnait, sinon, il ne disait rien. C'est quelque chose qui m'a beaucoup touché et je l'ai remercié pour cela. Angelo, lui, ne s'est jamais permis de me donner un avis. Même quand je le lui demandais, à chaque fois il me répondait : « demande à Gabriel ». Ce que je faisais. En revanche, Angelo transmettait tous mes ordres et indications pour le personnel. Il m'a aidé à tout organiser comme l'aurait fait un frère.

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Dès le service du plat de résistance, mon père s'est déridé. Mes parents posent beaucoup de questions sur différents sujets et se montrent tellement curieux que Gabriel et moi peinons souvent à leur répondre. Heureusement pour nous, Angelo (que ferais-je sans lui ?) est une vraie bibliothèque sur pattes. Il se souvient de beaucoup de choses, dont un nombre incalculable de détails et de noms. Angelo fait partie de ces gens qui n'interviennent que lorsqu'ils l'estiment nécessaire. C'est appréciable mais quelques fois, c'est embêtant. Quoiqu'il en soit, je suis heureuse de constater que mes parents ont supprimé une bonne partie si ce n'est la totalité de leurs préjugés concernant Gabriel. Même mon père, qui, au début, vouvoyait Gabriel, le tutoies à présent comme s'ils se connaissaient depuis des années. En ce qui concerne mon mari, il semble apprécier mes parents.

- On dirait que le courent passe bien, me souffle Angelo, je suis curieux de voir la suite.

Je rêve ou il se croit dans un épisode de télé-réalité ?

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Cet après-midi, j'emmène mes parents dans les rues de Naples. J'étais déjà venue faire du repérage en prévision de leur séjour ici. Mon père, comme à son habitude, nous suit, ma mère et moi, en restant derrière nous. Je crois qu'il ne comprend pas l'utilité des deux gardes du corps qui nous suivent discrètement. Moi, je la connais l'utilité. Et puis, de toute façon, ces hommes préfèreraient mourir plutôt que de désobéir à Gabriel, même si c'est moi qui le leur demande. Ma mère fait mine de ne pas les remarquer et me sourit en me racontant les dernières nouvelles du pays.

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- Alors, cette balade ?

- Incroyable, chante ma mère, tout est si différant ici et...

Ça y est, je ne l'écoute déjà plus. Je fais un clin d'œil à Gabriel pendant que je range les manteaux dans le placard. L'été est presque terminé et la température s'est rafraîchie. Heureusement pour mon père, ce sont les gardes du corps qui portent nos emplettes. Du coup, il en a profité pour s'acheter des nouvelles chaussures. Selon moi, il en avait bien besoin. Eric et Alexandre, mes gardes du corps, se débarrassent de la vingtaine de sacs en papier remplis de vêtements. Les pauvres, je suis impitoyable avec eux ! Je ne peux pas en vouloir à Gabriel d'assurer ma protection alors il faut bien que je me venge sur quelqu'un... Un coup d'œil vers Gabriel me suffit pour comprendre qu'il n'écoute plus ma mère.

- Maman, intervînt-je, je ne t'ai pas encore montré le jardin !

- Y'a une piscine ?

Mon père et les piscines ! Une grande histoire d'amour.

- Oui papa, il y a une piscine. Et elle va te plaire.

Je vois son regard s'illuminer et nous sortons tous les trois dans le jardin. Gabriel me suit et me souffle un « merci » soulagé. Je me retourne à demi et lui lance un regard compatissant.

- Désolée. Ma mère adore parler et elle ne se rend pas compte qu'elle en fait trop parfois.

- J'avais deviné, répond-il, en fait, je trouve ça marrant.

- Tu en penses quoi si on mange dehors ce soir ?

- Excellente idée.

Tant qu'il fait beau, il faut en profiter. A ce qu'il paraît, il neige en hiver ici. Il va falloir que je me trouve une doudoune bien chaude.

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Cette pièce est l'une de mes préférées. Ce n'est ni une terrasse, ni une véranda. Cette pièce est conçue pour laisser passer l'air tout en restant à l'intérieur. Le sol est carrelé de pierres taillées claires et il n'y a pas de murs hormis celui qui rattache la pièce au reste de la villa. D'immenses colonnes soutiennent le plafond d'où pend un lustre en cristal imposant. Ça peut paraître stupide mais c'est un élément qui donne tout son charme à la pièce : j'ai fait installer des rideaux fins et blancs autour de la pièce, entre les colonnes. Un muret qui m'arrive à la taille empêche les gens de tomber de deux étages. Sur le muret en question, trônent des jardinières en pierre remplies de fleurs colorées. Au centre de la pièce, est placée une grande table en acajou. C'est là que nous allons dîner ce soir. Un des huit palmiers de notre immense jardin a suffisamment grandi pour que son feuillage atteigne le muret sur la gauche. Dans le fond de la pièce, à gauche justement, il y a un petit salon et un tapis tout doux sur lequel pourront jouer des enfants. C'est bizarre : maintenant que je sais que je vais être maman, je pense à tous ces petits détails qui permettent aux enfants de ne pas s'ennuyer pendant que les adultes discutent entre eux. D'ailleurs, j'ai déjà choisi la chambre de mon bébé. Elle sera à côté de la mienne (pour les réveils nocturnes) et je sais exactement comment je vais la décorer. 

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