LIÉS PAR LE PASSÉ {Liés : t2}

19

LUCA

   Mes oreilles sifflent comme si elles ne voulaient pas l'entendre. Une rage folle m'aveugle. Mes pensées dérivent vers une couleur sanglante, vers la tête d'un connard encastrée dans un mur, ses divers membres donnés à la pâture aux cochons. Bref, tout va bien.

    Rien ne va. Je ne peux plus supporter cette vision sous mes yeux et mes pieds me mènent jusqu'à Ava et ce connard de médecin. Alex n'a à peine le temps de suivre mes mouvements que j'arrive en quelques enjambées jusqu'à eux. J'interviens entre les deux, me plaçant devant Ava en surplombant Trent Maxwell. Par ailleurs, ce dernier ose soupirer en roulant des yeux.

– À moins d'être blessé, ce qui n'est pas le cas, vous n'avez rien à faire ici, crache Maxwell.

– Je me suis montré très patient avec vous. Maintenant, c'est fini. Alors je vais être très clair ; écartez-vous d'Ava, n'allez pas dans sa direction, ne pensez pas à elle, ne la touchez pas.

    Mon ton est sans appel, aussi sec que possible. Je ne laisse aucune chance à la riposte, je ne lui en laisse aucune. Encore, je suis assez généreux pour lui faire part de mes intentions. Et je poursuis :

– Si vous osez de nouveau lever la main sur elle, je peux vous assurer que votre corps se retrouvera au sous-sol, à la morgue mais sera non identifiable.

    Ava se fait toute petite, je sais qu'elle ne veut surtout pas une démonstration de force mais je ne peux pas l'accepter. Le regard de Trent bascule discrètement vers ma femme mais je le capte bien assez rapidement. Je le défie du regard de réitérer le geste.

– Ça s'applique dès maintenant. Alors, dégagez, ordonné-je d'un ton impartial.

    Son visage se ferme aussitôt, néanmoins il s'exécute et bat en retraite, hors de mon champ de vision. Cependant, je ne trouve guère la satisfaction à laquelle je m'attendais. La colère bouillonne toujours en moi et je ne parviens pas à l'atténuer, à l'évacuer, elle me pèse tellement.

    Sans un regard pour Ava, je la tire avec moi pour l'emmener à l'écart, à l'extérieur, là où je suis presque certain de ne pas attirer les oreilles curieuses. Les images de ces marques que j'avais vues la fois que je l'ai vue chez Alex me reviennent et jettent des braises sur le feu déjà ardent.

    Comment j'ai pu passer à côté ? Comment j'ai pu me montrer si aveugle à son égard ? Comment j'ai pu ne me rendre compte de rien, d'absolument rien ?

– Lâche-moi, tu me fais mal, exige Ava en se dégageant brusquement.

    Je la lâche aussitôt, je me tourne d'un mouvement sec et rapide vers elle. Elle se masse le poignet en grimaçant légèrement tandis que ses pupilles de ma couleur préférée me dardent d'éclairs annonciateurs de son mécontentement.

– Qu'est-ce qui t'arrive d'un coup ? s'exclame-t-elle.

– Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Pourquoi tu ne m'as pas dit que ce fils de pute te frappait ? Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu sortais avec Brandon Harrison au moment de l'attaque ? Mon pire ennemi. Putain, Ava !

– Putain, Luca ! Pour ça, justement ! Pour ça. Je suis grande, majeure, responsable, je peux gérer.

    Elle a perdu la raison. Elle est devenue folle. Ses yeux me dévisagent comme si c'était moi qui étais devenu insensé et pas l'inverse. Dans nos regards, on fait face à des étrangers.

   Des amants à des étrangers.

– Si tu penses que c'est normal de subir, alors non, tu ne gères pas, je reprends un peu plus posément.