LIÉS PAR LE PASSÉ {Liés : t2}

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LUCA

   Et si mon monde s'arrête de tourner aujourd'hui, ce sera sur le tintement de son téléphone qui rebondit contre l'asphalte. Un acouphène s'empare de mes oreilles et plus rien autour de moi ne compte. Tout s'est arrêté.

    Et si je respire aujourd'hui, ce n'est que pour elle, que parce que, mort, je ne lui serais d'aucune utilité. Dans mon périmètre, j'entends Massimo hurler de rage en abattant son poing contre la toiture de l'habitacle. Je ferme les paupières. Tous les hommes chargés de sa surveillance ont été retrouvés. Morts.

    C'est un cauchemar éveillé. Un cauchemar qui devient réel lorsque je tombe pile sur le téléphone d'Ava près du perron de son bâtiment. À peine Mia fait un pas à l'extérieur que j'ordonne à Massimo de la mettre en sécurité. Ma gorge est sèche et mes mots ne sortent pas.

– Je veux toutes les caméras de surveillance du coin, exige Massimo.

– Tu n'en auras pas besoin, lâché-je en m'accroupissant.

    Ma main effleure le tissu blanc qui git au sol. Ce mouchoir de tissu contient l'emblème de la bratva. Ce n'est plus qu'une évidence désormais. Anton Orlov détient ce qui m'est le plus cher, ce qui m'est le plus précieux au monde. Ma femme. Et mon bébé.

    Mia s'agite dans tous les sens et je n'ai guère la patience de faire avec son humeur massacrante et ses questions meurtrières. En arrière plan, j'entends Massimo qui contacte visiblement Alex. Aussitôt, je me lève et m'empare de son téléphone.

– Dis-moi que c'est une putain de mauvaise farce, Luca Russo, claque Alex Peters sèchement.

    Ses pas précipités résonnent au travers du combiné et je peux deviner qu'il est déjà sur son chemin pour venir jusqu'à nous. Je ne peux plus le lui cacher, surtout pas quand je suis à deux doigts de céder à une panique dure et intense.

– Ce n'est pas une blague, je réponds.

– Ma sœur, putain, Luca. Ma petite sœur.

– Ma femme, putain, Alex. Ma femme et mon bébé.

    Cette fois-ci, c'est le silence qui me répond à l'autre bout du fil et je peux parier mon rein droit qu'Alex encaisse la nouvelle que je viens de larguer. Très bon moment, d'ailleurs. Je n'aurai pas pu faire mieux, je pense.

    Le regard grave d'Alex est terrible, transcendant. Je garde la face et ne me démonte pas même si j'ai juste envie de me fondre en boule et de paniquer dans mon coin. Mais cela n'aidera personne. Encore moins Ava. Je me passe une main au visage, totalement démuni, désemparé.

– On ne perdra pas ma sœur, aujourd'hui, d'accord ? Si la prochaine fois je dois être en smoking, ce sera pour être ton témoin à votre mariage, pas pour assister à un énième enterrement, annonce Alex.

    Je ne peux tenter de nier. Pas lorsque Alex Peters vous regarde avec ses yeux qui vous menacent mille et une mort différentes si vous ne faites pas ce qu'il vous ordonne. Malheureusement, la seule solution qui se présente à nous est de rentrer à la maison et se préparer.

    On est de retour à la maison, bredouilles. Et je me sens terriblement vide, terriblement impuissant. Mon impulsivité aimerait que je me lance à l'aveugle mais mon côté raisonnable me rappelle qu'il n'y a plus que ma vie qui est en jeu. Et je ne peux pas prendre de risques quand cela la concerne.

    Dans la salle à vivre, je vois Mia se tortiller les bras, un air inquiet se peint sur son visage. Je m'empresse de me redresser du mur contre lequel je suis appuyé.