1995

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Du feu. 
Il y a des flammes partout. 
Une fumée épaisse et étouffante s'élève dans l'air.

Je tousse et ma main s'agrippe désespérément à celle de mon grand frère. Il me crie de le suivre, tandis que j'essaie de le retenir pour pouvoir prendre mon doudou et mon chat.

— On doit sortir maintenant ! s'exclame-t-il en me prenant dans ses bras.

— Non ! On ne peut pas laisser Tigri ici ! Il va mourir ! dis-je, les larmes coulant à grosses gouttes.

Je m'accroche encore plus à lui, réalisant avec douleur que c'est probablement la dernière fois que je verrai Tigri. À cet instant, je comprends que mon chez-moi est en train de partir en fumée. Mon lit, mon chat, mon doudou, mes vêtements, mes jouets, et tous mes souvenirs sont en train de disparaître. Notre cité a été le théâtre d'une émeute, et elle se transforme en cendres.

Nous sortons tous les deux, et là, je vois des gens qui pleurent, crient et courent dans tous les sens. La terreur et la violence se lisent dans leurs yeux.

— On n'a plus de maison ? On... on va vivre dans la rue ?

Je regarde mon frère, essoufflé, qui me fixe, sans savoir quoi répondre pour me rassurer.

— On va s'en sortir, répond-il avec assurance. On s'en sortira, comme toujours. Il répète cela avec une lueur d'espoir dans sa voix.

...

Je me réveille dans ses bras. Il est éveillé et parle avec quelqu'un. Les souvenirs de cette nuit me reviennent en mémoire.

— On est où ? demandai-je.

— Dans la cité d'en face, chez un ami, en attendant qu'un appartement se libère.

Je regarde son ami ; il me sourit et a l'air sympathique.

— Salut, je m'appelle Saïd, et tu vas être en sécurité ici, d'accord ? dit-il en se mettant à genoux devant moi.

...

Cela fait un mois que nous sommes dans cette nouvelle cité, dans le 91, ou comme mon frère l'appelle, Corbeil. J'ai eu la chance de me faire une copine, et nous jouons souvent ensemble sur le terrain de foot. Elle connaît tout le monde.

— Nabil ! Arrête de me prendre le ballon ! s'énerve-t-elle.

Il ne l'écoute pas, reprend le ballon en riant, et s'enfuit à l'autre bout du terrain.

— Il n'est pas très sympa, lui. Il s'appelle Nabil et habite dans la même tour que moi. Son grand frère est plus gentil que lui.

Je regarde Nabil, qui joue maintenant avec ses amis un peu plus loin. Nous quittons le terrain pour jouer ailleurs. En discutant, Clara me parle de sa vie. Elle a 6 ans comme moi et est enfant unique.

Après le goûter, je retourne dehors rejoindre Clara, ma nouvelle amie. En descendant les dernières marches, Saïd m'appelle au loin.

— Tu reviens avant 17 h, hein ? impose-t-il, en levant le pouce.

J'hoche la tête et cours vers Clara, qui m'attend devant le terrain de foot, comme d'habitude.

— Nabil m'a rendu mon ballon en s'excusant. Il a dû se faire gronder par son père, dit-elle en riant.

Deux garçons s'approchent et nous demandent si nous voulons jouer avec eux. Nous acquiesçons et nous joignons à eux sur le terrain. Ils sont amis avec Clara et semblent se connaître depuis longtemps.

— Au fait, tu ne viens pas d'ici, toi, non ? Je secoue la tête. Moi, c'est Lucas et lui, c'est Ambre.

— Moi, c'est Ella, réponds-je en souriant.

À ce moment-là, je réalise que nous allons devenir amis. La joie que nous éprouvons à jouer ensemble et la proximité de Clara avec eux me confirment que je vais faire partie de leur groupe.

Partir ou pourrir (PNL N.O.S)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant