Chapitre 3 - Prévoir un plan B

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Sur le trajet menant à notre cellule, nous avons croisé des selcyns en planches à roulettes électriques, ou un truc qui y ressemble. Un tel gadget n'aurait pas été de refus étant donné les distances à parcourir pour nous rendre d'un point à un autre. Mon corps épuisé par le manque de sommeil et l'angoisse avance laborieusement et sans le soutien de Kalen, je me serais effondrée au milieu du couloir. Après trente minutes de marche militaire, nous arrivons enfin. Ici, les couloirs sont ocres et les portes toujours aussi blanches.

La paroi coulisse lentement et nous dévoile une pièce d'environ vingt mètres carrés. Comme dans les appartements que j'ai pu occuper, une longue et fine table métallique s'étire sur un pan de mur crème. Quatre sièges lui font face. Deux couchettes sont encastrées à même le sol, elles me paraissent un peu étroites pour accueillir trois dormeurs chacune. Sur le mur du fond, pas de baie vitrée donnant accès à une vue à couper le souffle comme à Tavira ou à Lausanne. Non. La paroi est totalement opaque et supporte une de leurs toilettes bizarroïdes. Là, en plein milieu. À la vue de tous. Je repère également un robinet mural, et un pommeau de douche surplombant un carré au sol légèrement creusé pour l'évacuation. À ma plus grande surprise, une femme de type amérindien d'une trentaine d'années est présente sur place. Elle est magnifique. À genoux, elle frotte avec un grand chiffon le pourtour d'un des deux lits. Ses longs cheveux noirs traînent négligemment au sol. Elle nous remarque à peine, mettant un entrain inapproprié à sa tâche. Je constate que sa main tremble légèrement. La selcyne est plutôt petite et mince. Tout comme Houlm, elle ne semble pas avoir eu le droit aux séances fortifiantes de flaster, ni aux entraînements physiques. Comme toutes les femmes, elle appartient à la caste des domestiques. Je serre les poings, révoltée par cette société qui cultive le contraste entre technologies extraordinaires et mentalités arriérées.

— Malyan, fait Varely d'une voix douce. Les prisonniers sont là. Tu dois rejoindre ta prochaine mission.

— Pardonne-moi, répond-elle en se relevant. J'ai du retard sur mon planning. Tu ne me dénonceras pas ?

— Évidemment que non, mais nous ne sommes pas censés nous croiser, rétorque notre garde avant de nous désigner du menton. Et plus encore, tu ne dois pas les croiser, eux.

— Toutes mes excuses, je pars de ce pas.

Abasourdie par cet échange, je regarde la grande brune s'éloigner d'un pas pressé. Je vois distinctement sa main glisser brièvement dans celle de Varely, lui laissant un papier entre les doigts. Ce dernier s'empresse de resserrer son poing dessus, pour le faire disparaître dans sa paume. Mais je comprends à son regard qu'il sait que je l'ai vu. Sans un mot, il disparaît derrière la porte coulissante. Dans mon cerveau, une alarme se met en route. Manifestement, ces deux selcyns transgressent les lois du Consul. Cela en fait-il de potentiels alliés pour nous ?

Mei se laisse tomber sur une couchette, et Sam la suit rapidement. Sayan et Jofen vont s'assoir en silence. Je reste plantée devant Kalen malgré l'irrésistible envie de fermer mes paupières. Ce dernier me prend dans ses bras et je m'y blottis volontiers. Je m'endormirais presque, bercée par le rythme entêtant de son cœur. Quand je pense que j'ai entendu ce son pour la première fois à Faraday-4, en branchant son corps meurtri à l'électrocardiogramme du laboratoire de Lee. Ce souvenir douloureux me transperce et je raffermis mon étreinte, passant une main dans ses fins cheveux noirs.

— On va s'en sortir, Chaton, me chuchote Kalen. Je te le promets.

— Je l'espère.

— Nous trouverons un moyen.

— K, tu disais bien connaître Varely...

— Oui, enfin aussi bien que deux selcyns amenés à se croiser à plusieurs reprises. Lors de l'élaboration du projet couveuse, l'idée était de...

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant