Chapitre 46 - La rançon de la gloire

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Je me retourne, intriguée, pour faire à nouveau face aux écrans. J'ouvre la bouche tel un poisson hors de l'eau, décontenancée par ces nouvelles images. Un bataillon entier d'hélicoptères dernier cri arrivent sur la zone de conflit. Les selcyns en poste enchaînent les ordres de manière frénétique, dont certains en langue internationale.

— Dégagez la zone, les humains d'Afrique disent qu'il va pleuvoir des explosifs. Je pense que c'est une référence à leurs propres bombes qu'ils ont l'intention de lâcher. Est-ce que les forces terrestres me reçoivent ? Verno, Malyan, Qerk, Ranissa, Floy... Furum haldiste, terran krom mecasit.

Les six contrôleurs ont fort à faire, ce n'est pas le moment d'intervenir. De toute façon, ils ne m'entendraient pas, une prosodie incessante s'échappe de leurs oreillettes. Les images continuent de défiler. Pas de doute, la trentaine d'hélicos est pilotée par des militaires en uniforme des Nations Unies. Et si je me fie aux bribes d'échanges que je parviens à comprendre, il s'agit d'alliés africains. Chaque appareil porte six bombes : trois de chaque côté. Pas loin de deux cents projectiles.

— Ils ont surement fait escale à l'ancienne base en mer Égée, dit ma mère.

— Comment sais-tu qu'il y a une base là-bas ?

— Nous avions un compagnon d'infortune qui était un ancien militaire, tu sais, celui qui connaissait l'emplacement des bases enterrées. Il nous a suggéré à plusieurs reprises de nous rendre sur cette île. D'après lui, terroriser les habitants de petits archipels ne serait pas la priorité des al... selcyns. Et il espérait y trouver des armes pour nous défendre. Il est mort en Russie. Marius et moi en avions assez de voyager. Quand nous avons été recueillis par la communauté de Viktor, nous avons décidé d'abandonner ce projet. Viens, je voudrais te le présenter.

— Ce n'est pas le moment, maman. Regarde, avec les technologies africaines, les cartes sont redistribuées !

— Vous pensez que leurs cartes sont plus précises ? m'interroge le grand black. J'en doute, nous avons préparé les nôtres avec minutie.

— Oui, bien sûr, réponds-je sans ciller. Ce que je veux dire, c'est que...

— Stop !!! crie Varely.

Ma mère et moi sursautons. J'adresse un regard contrarié à mon allié, oubliant qu'il a perdu la vue. Même s'il l'avait encore, il n'aurait surement pas réagi. Il se tient debout, son crâne rasé brillant de sueur. Je crois que son bandeau fait également office d'éponge. La femme qui l'assiste depuis ce matin s'est affalée sur sa chaise, les lèvres pincées, mais le regard pétillant.

— Les dispositifs de sécurité ont été forcés, dit-il comme s'il nous annonçait la météo. Ça y est, le bouclier de Cassy-1 est inactif, et je peux contrôler l'ouverture principale. Mais j'ignore combien de temps ce prodige durera. Demandez à ces terriens de bombarder devant la grande porte.

— La chance tourne enfin, soufflé-je.

— Je n'ai pas vraiment compris, mais ça semble positif, approuve ma mère encore tremblante.

Un des contrôleurs, un type costaud aux longs cheveux châtains et lisses, prend alors la parole, le doigt sur son oreillette.

— Ici le Borl chargé de la coordination des opérations Damin T5-104, depuis Cassy-7 resté en retrait au nord de la zone d'intervention. Nous apprécions votre soutien dans cette bataille décisive... je n'ai pas compris. Nous allons tenter de pénétrer dans le vaisseau du Grand Consul... le vaisseau ennemi, oui. Stratégiquement, nous voudrions que vous bombardiez la zone de proximité face à la grande porte noire... oui, tout est noir en effet... non, je ne faisais pas référence à la couleur de peau de vos soldats... Non. Une ouverture, la plus grande, exposée sud-ouest... Qu'est-ce que ça veut dire ? ... peigner une girafe ? Cet humain se moque de moi.

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant