Chapitre 27 - La peste ou le choléra

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Enrico Duarte me semble être une personne réfléchie, cultivée. En tout cas, il possède d'indéniables talents d'orateur.

— La langue de bois typique des politiciens, souffle Mei à mon oreille.

Sans doute, mais je préfère encore son discours lisse à la brutalité de ses concitoyens. Pour commencer, il nous souhaite la bienvenue au campo Santa Maria de Papuda et s'excuse, sans tomber dans le larmoyant, pour le malheureux incident du réfectoire. Il nous assure que de tels comportements seront réprimandés et que si nous avions besoin de quoi que ce soit, il s'efforcerait de répondre à nos demandes, dans la limite du raisonnable. Suite à cette introduction polie, il nous invite à nous présenter. Nous obtempérons avec un enthousiasme contenu.

— Bien, maintenant que nous nous connaissons davantage, j'aimerais que vous m'expliquiez la raison de votre présence ici. Le Maréchal m'a briefé, évidemment, mais je souhaite entendre votre version.

— La situation est complexe, commence Kalen en se raclant la gorge. Nous vivons sous une double menace. La première provient d'une coalition d'humains, sous le commandement d'un certain Muzhi. Ce dernier a tenté d'éradiquer les miens en ayant recours à deux redoutables armes utilisant la fission atomique. Nous avons appris qu'il en possède une dernière encore plus destructrice que les deux premières. Muzhi a menacé de l'utiliser contre la nation africaine, mais avec la présence de notre vaisseau mère au sol, il est possible qu'il change de cible.

— Quoi qu'il en soit, poursuivis-je face au calme du maire, l'utilisation de ce que l'armée nomme une super massive atomique aura des répercussions sur l'ensemble de la planète. Notre atmosphère sera chargée en radioactivité. Même à Brasilia, les organismes ne pourront en sortir indemnes. Brûlures, mutations, cancers et autres réjouissances seront à prévoir. Vous savez ce qui s'est passé à Chicago. Imaginez la même chose, en dix fois plus puissant et étendu.

— Muzhi ne peut ignorer les risques, répond Duarte en articulant chaque mot. Vous voulez dire qu'il met sa propre vie en danger ?

— Il doit penser que les bases Faraday lui offriront la protection dont il a besoin, suppose Sam. Ainsi que les nombreux abris antiatomiques. Et il est aussi possible qu'il minimise les conséquences. Quoiqu'il en soit, pour lui, tout vaut mieux que de se laisser dominer, que ce soit par les selcyns ou la puissance africaine. Il a fait assassiner le général Hassan, mon beau-père. Il a prouvé qu'il n'était pas étouffé par les scrupules.

— La deuxième menace vient de mon peuple, poursuit Kalen. Le Grand Consul, notre chef décisionnel, fait face à la fois aux bombardements terriens et un mouvement contestataire au sein de ses rangs. Il pense que le modèle terrien est à l'origine de cette rébellion. Il a pris la décision de quitter la Terre pour tenter sa chance sur une autre planète.

— Voilà une bonne nouvelle, affirme le maire du campo Santa Maria. Mais il y a un mais, je suppose...

— Disons qu'il a la rancune tenace, expliqué-je.

— Nous avons ouvert les yeux sur une autre manière de vivre, intervient Malyan de sa voix posée. Nous avons réalisé à quel point les valeurs si chères aux selcyns n'étaient en fait que des chaînes destinées à nous rendre aveugles aux injustices de notre monde.

— Le Grand Consul a préféré détruire notre planète avec un canon à énergie gravitationnelle, appelée également matière noire, plutôt que de voir son autorité décliner, ajoute Sayan.

— Et il a bien l'intention de détruire la Terre, tous ses habitants et les rebelles qu'il y aura abandonnés, ajouté-je. Par vengeance.

— En forçant notre vaisseau mère à atterrir, nous avons offert une cible de choix à Muzhi, soupire Kalen. Mais nous l'avons fait dans le but de contrer la menace du Consul. Malheureusement, ce dernier nous a lancé un avertissement. Si Muzhi décide d'utiliser la supermassive contre lui, il nous détruira tous. Cassy-1 lui offrira une protection suffisante pour lui laisser le temps de répliquer.

Corps étrangers [TERMINÉ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant