Chapitre 10

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Lilith

«Du noir nait la lumière.
Coco Chanel.
»

Je ne patiente pas longtemps avant qu'elle ouvre la porte. Elle est aussi ravissante que la dernière fois, peut-être même plus. Je ne m'habitue toujours pas à ce grand sourire sur ces lèvres. Je rentre, et me replonge dans les souvenirs de la dernière fois.
Mais qu'est-ce que je fous là ? Ce n'est pas ma place, auprès de sa nouvelle famille heureuse. Je m'efforce de sourire, pour rester polie, comme me l'a indiqué mon père. Elle ne voit aucune gêne à me présenter sa fille, Mélina.

«- Voilà donc ta sœur. Dis bonjour Mélina !»

Je ne la corrige pas sur l'emploi du mot «sœur», même si j'en ai envie. Mélina est brune aux yeux noirs. On peut déjà remarquer quelques boucles qui se définissent sur ses cheveux courts, faisant rappel à la chevelure de ma mère. Elle sourit, même si elle ne comprend sûrement pas pourquoi sa mère lui présente une inconnue.
Ma mère devait vraiment refaire un enfant ? Comme si le premier était raté ? Elle n'a pas su m'élever, alors au lieu d'essayer de se rattraper, elle me remplace. Elle doit certainement lui porter un amour maternel, celui que je n'ai jamais reçu. La petite fille reprend son chemin, une poussette avec elle, transportant un poupon. L'insouciance dans son regard me fige.
Ca ne ressemble en rien à ma vie, à mon passé, à ma jeunesse. J'ai l'impression d'être coincée dans un autre monde, trop surréaliste, trop parfait pour être vrai. J'ai l'impression que ma mère joue l'hypocrite en m'accueillant chez elle en étant souriante et en voulant tout reprendre depuis le début, sans s'excuser.

«- Alors, tu as des trucs à me raconter ? me demande-t-elle en me servant du thé.
- Pas spécialement.
- Tu veux faire quoi plus tard ?
- Je veux travailler dans l'édition.
- Oh, wow, c'est nouveau ça ! Tu sais, moi à ton âge je ne savais pas quoi faire. De nos jours, le système scolaire veut vous forcer à trouver rapidement une voie professionnelle, alors que vous êtes jeunes. Ce n'est pas évident de savoir ce que vous voulez faire à 16 ans alors que vous ne savez même pas encore qui vous êtes. Moi c'est que maintenant que j'ai compris qu'être psychologue était le travail qui me comblerait.
- Tu es devenue psychologue ?
- Oui depuis un an. Je me sens beaucoup mieux ainsi.
- Mais tu détestais les psychologues.
- Je n'appréciais pas leur méthode de travail, c'est pour ça que je fais une sorte d'en adopter une différente. Et donc tu n'es plus intéressé par l'art ?
- Non.
- Tu dessinais très souvent ! Tu commençais à écrire des poèmes aussi, je m'en souviens.»

Ces poèmes me permettaient de me croire philosophe et intellectuelle à 8 ans. Le talent n'était pas présent. Il n'y avait aucune pensée profonde, ou qui avait même un sens. Si maintenant je voulais réécrire des poèmes, j'aurai plus de choses à dire. Mais à quoi bon...Autant refouler ses émotions, quitte à devenir folle.
Je le suis déjà, non ?

«- Tu as l'air perdue. Me dit-elle soudain, voyant que j'ai cessé de l'écouter. Tu vas bien ?
- Oui, oui.
- Ecoute. Je n'ai jamais pris le temps de m'assurer que tu allais bien. Je sais que je ne me suis pas occupée de toi comme il le fallait. J'en suis désolée, mais maintenant je peux t'aider.
- Ne t'inquiète pas, je vais bien.
- Tant mieux alors.»

Elle reprend son monologue sur sa vie, avant de me poser à nouveau des questions, puis de parler en continue. J'en viens à me demander si elle veut prendre mes nouvelles, ou juste parler d'elle-même.

«- Oh, je n'ai pas vu passer l'heure, tu dois prendre ton train ?
- Oui, dis-je après avoir vérifié l'heure sur mon téléphone.
- Ca m'a fait plaisir de te voir ! Viens me voir plus souvent !»

Je repars avec un sentiment de soulagement. C'était long. J'ai l'impression d'avoir planer sur un nuage de comédie. Comme si une sensation de faux avait envahi ce moment. Comme lorsque je suis dans un rêve et que je prends conscience que ce n'est pas la réalité, tout paraît faux et mensonger.

Always trust our feelingsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant